Logique de réduction du nombre...

De légers chocs sur son dos et ses jambes, irréguliers, puis un arrêt brutal. Le bruit d'une lourde porte qu'on ouvre avec difficulté, puis à nouveau de désagréables secousses.
Sa tête brinqueballe de droite à gauche, de gauche à droite, alors que son corps est traîné sans ménagement sur le sol, ce qui finit par éveiller sa conscience du sommeil sans rêve où elle était plongée.
Ses membres sont douloureux et engourdis, surtout ses bras étirés au-dessus de sa tête et liés aux poignets par une corde serrée au point qu'elle a du mal à sentir ses doigts, comme si le sang ne circulait plus. Ses chevilles sont emprisonnées de la même manière, à tel point compressées l'une contre l'autre qu'elles pourraient avoir perdu un orteil sans que la douleur ne puisse remonter jusqu'à son cerveau pour lui en faire part.
Une cagoule empuantie entoure sa tête depuis la base de son cou, l'empêchant de pouvoir distinguer son environnement. Tout juste si des formes lui apparaissent légèrement entre les mailles du tissu.
Les bruits autour d'elle semblent se répercuter à l'infini. De fait, l'espace où
on la tire de force n'en paraît que plus petit, plus étriqué. Toutefois, non loin devant, elle perçoit un autre corps qu'elle jurerait être tiré comme elle l'est.

Un nouvel arrêt brutal. Une autre porte toute aussi lourde que la précédente qui s'ouvre. Enfin le bruit de multiples brasiers qui crépitent avec force.

On l'emporte à nouveau sur plusieurs dizaine de mètres, avant un nouvel arrêt. Ce cheminement ne semble pas vouloir finir, et pourtant, elle sent soudainement une étrange liberté à ses poignets et ses chevilles, comme un poids en moins. La cagoule s'échappe sans ménagement de sa tête, et c'est d'abord la lumière des multiples brasiers, sis dans de lourdes et imposantes coupoles de pierre tout autour de l'immense pièce circulaire où elle se trouve, et posées à même le sol, qui lui souhaite la bienvenue, agressant son regard au sortir de sa torpeur.

Plusieurs portes épaisses et renforcées de barres métalliques se referment dans un grondement assourdissant, disposées l'une en face de l'autre dans les murs. Des herses imposantes s'abaissent enfin. Un bon mètre et demi les séparent des portes en elle-mêmes, empêchant de les atteindre pour tout bras qui se risquerait entre les barreaux.

Rapidement, Chiwa se rends compte qu'elle n'est pas seule, et que des dizaines d'autres jeunes gens, comme elle, sont rassemblés au centre de cette pièce, surplombé par un balcon qui en fait le tour. Des dizaines de jeunes gens qui retrouvent leurs esprits, comme elle, et commencent à échanger des regards hagards, inquiets, curieux parfois, et pour certains terrorisés...

Malgré le fait qu'elle ait retrouvée la vue et sa liberté de mouvement, Chiwa reste assise sur le sol quelques instants, frottant avec ses mains ses chevilles et ses poignets encore endoloris par les cordes qui les retenais. Balayant la pièce où elle se trouve du regard, elle a du mal à comprendre ce qui se passe ...

(... Qu'est-ce qui ... s'est passé ... ... Je suis où ? ... dans une prison ? ... )

L'arrière de son crâne la fait horriblement souffrir, se passant la main sur la tête par réflexe, des souvenirs douloureux lui reviennent ... L'image de son village en train de brûler réapparaît devant ses yeux, la troupe de bandits ainsi que leur blason refont également surface dans son esprit ... Son regard se porte à présent sur la troupe d'enfants qui l'entoure ... Sa vue est trouble et son esprit encore embrumé ... Elle n'arrive pas à se concentrer suffisamment pour savoir si elle connait ces enfants ou non ... Elle se rappelle avoir vu les bandits emmener les enfants alors qu'ils tuaient sans pitié les hommes et les femmes du village ...

Sa tête se baisse brusquement, ses yeux se vident d'expression et se figent vers le sol ...

(Dae-Hyung ... Père ... est mort ...)

Des larmes commencent à couler sur ses joues ... Mais un autre souvenir la rappelle à la réalité ... Ses yeux reviennent à la normale et elle redresse vigoureusement la tête ...

(Dae-Ho ... ... Si les bandits l'ont enlevé lui aussi ... Il doit être là ... dans cette pièce !)

Chiwa se remet debout rapidement et regarde autour d'elle d'un air paniqué, cherchant désespérément son frère parmi la foule d'enfants, et l’appelant d'une voix chevrotante ...

"... Onii-chan ?" ... Sans réponse ... Chiwa hausse le ton de sa voix ... "Da-chan ! Où es-tu ?!"

Alors même que Chiwa hausse le ton, une main couvre rapidement sa bouche pour étouffer sa voix, venant de derrière elle.

Dae-Ho se place sur son flanc, un air grave et inquiet sur son visage. Il a les yeux légèrement rougis, mais ses joues ne portent aucune traces de larmes. Il est fort probable qu'il se soit forcé à retenir son chagrin, alors que son père et le village ne sont plus.

_Chut... n'attires pas l'attention sur toi surtout, l'enjoint-il avec une réelle inquiétude dans la voix à l'encontre de sa demi-sœur.

D'un geste discret, il indique le balcon qui fait le tour de la pièce, et dont la partie arrière est plonger dans une certaine pénombre, la lumière des brasiers en contrebas, dans cette "fosse" où ils se trouvent, ne parvenant pas à tout éclairer.

Silhouettes encapuchonnées dans de longs vêtements aussi sombres que la nuit, des ombres se détachent légèrement de la pénombre, le long du mur du balcon, prêt de lourdes portes closes. Ces gens étaient sans doute déjà dans la pièce avant même que les jeunes gens n'y soient menés, mais bien peu d'entre eux en contrebas semblent les avoir remarqués, plongés dans l'incompréhension de leur situation.

_Les autres autour de nous, indique-t-il en continuant de scruter les balcons et parlant à voix basse, je ne les reconnais pas, ce ne sont pas les enfants du village. Je ne comprends plus rien. Mais plus important, tu vas bien? l'interroge Dae-Ho, dévisageant du coin de l'oeil Chiwa des pieds à la tête, à la recherche de blessures.

Même si elle l'avait voulu, Chiwa n'aurait pas eu le temps de répondre. Le son d'un gong puissamment frappé retentit dans la salle, figeant tout ce petit monde. Les silhouettes sur le balcon, jusqu'ici en retrait, s'avancent alors dans la lumière, toisant de leur position la fosse. Chacun porte un masque étrange, où des larmes de sang peintes coulent de leurs yeux, et où un sourire se dessine aux lèvres. Leurs toges à capuche les couvrent entièrement, ne laissant transparaître que leurs statures respectives. Aux mines appeurés de certains enfants répondent des rires sous cape en contre-haut... jusqu'à ce qu'un second coup de gong résonne avec force, venu de nul part.

L'une des lourdes portes du balcon, beaucoup plus imposantes que les autres et dont l'espace devant est vide, s'ouvrit alors avec fracas. Une nouvelle silhouette encapuchonnée pénétra sur la balustrade, vêtue d'une toge rouge sang, et d'un masque d'or.

Son pas s'arrêta juste à la rembarde où il déposa nonchalamment une de ses mains, et sa tête parut faire un tour d'horizon presque imperceptible de l'assemblée sur les hauteurs, chaque individu répondant par un inclinement léger. Sans perdre de temps supplémentaire, la voix de l'homme s'élèva, dure, froide, absolu:

_Vous n'étiez rien. Vous n'êtes toujours rien. Les faibles servent de pâture au fort. Telle est la vérité de ce monde. Pour prétendre changer les choses, il faut s'élever au-delà du fort, il faut être... absolu. Je n'ai besoin que de ceux qui ont la volonté et la capacité d'aller vers cette vérité. Les autres ne sont d'aucune utilité ici.

L'homme leva devant lui la main qu'il avait posé sur la rambarde. Aussitôt, l'un des individus à capuche apparut au centre du groupe d'enfants, agrippant l'un d'eux par les cheveux pour l'attirer vers lui, avant de lui planter un kunai dans la gorge et de le repousser vers l'avant sans qu'il ait eu le temps de réagir, où même de comprendre que le temps dévolue à sa vie pour s'écouler venait de toucher à sa fin. Poursuivant sur sa lancée, l'encapuchonné sortit deux nouveaux kunais de sous ses manches sans que quiconque est pu réagir, et les tenant à l'envers, les planta rageusement dans le coeur et dans le front de deux autres enfants sur ses
arrières, sans même se retourner. Tout c'était passé si vite que les trois cadavres touchèrent le sol à quelques dixièmes de secondes d'intervalles.

Tous prenant conscience de ce qui venait de se passer, la panique gagna les rangs du groupe assemblé ici, et certains commencèrent à s'éloigner maladroitement de cette folle silhouette qui paraissait vouloir tous les tuer.

Soudainement, parmi les dalles de pierre formant des rangées circulaires et couvrant tout le sol de la fosse, celles de la dernière rangée, frôlant les braseros, se dérobèrent à l'unisson, et disparurent profondément dans des entrailles inconnues. Un mur de flamme jailli à leur place, empêchant toute fuite vers les murs de la salle. Parmi les fuyards, plusieurs se trouvaient à l'endroit même où les dalles de pierre venaient de se retirer, et tombèrent dans les flammes en poussant des cris effroyables. La plupart se figèrent, ne sachant quoi faire, ni même s'il y avait quelque chose à faire devant cette folie. D'autres commencèrent à devenir fou et se mirent à chercher une issue dans toutes les directions. D'autres encore se prirent simplement la tête dans leurs mains en hurlant de désespoir, ou se recroquevillèrent sur eux-mêmes en serrant leurs jambes contre eux.

L'individu, toujours à l'exact centre de la pièce, seul pilier imperturbable de la scène, parla d'une voix féminine tranchante, et un brin sadique.

_Voilà l'épreuve du jour: lorsqu'un serpent se mords la queue, il y a deux choses qui diminuent de concert. Si vous trouvez lesquelles, vous maîtrîsez le jeu. Aller, je suis bonne joueuse, je vous donne deux indices de taille. Je vous ai gentiment laissé quelques kunaïs à disposition et vous, vous êtes... le serpent. Minna... jigoku e yokouso [Bienvenue en enfer].

Comme elle était venue, la femme disparue simplement de la fosse, laissant à leur détresse le groupe de jeunes gens à qui il ne restait maintenant plus beaucoup d'option: comprendre et survivre, ou s'effondrer et périr.

Chiwa se sent soulagée lorsque Dae-Ho apparait à ses cotés. Après qu'il lui ait indiqué les balcons surplombants la pièce, il parrut bizarre à Chiwa de n'avoir pas remarqué plus tôt toutes les silhouettes encapuchonnées contemplant la scène depuis la haut. Dae-Ho semble inquiet, mais il n'a jamais eu un regard aussi sérieux. Confirmant ce que Chiwa avait remarqué auparavant, il explique qu'aucun des enfants ici présent ne provient du même village qu'eux deux.

Après deux retentissants coups de gong, une nouvelle silhouette apparait sur le balcon, qui, contrairement aux autres, est vetue de couleurs criardes ... (... Serais-ce le chef du groupe ... ?).

Une fois que ce "chef" eut fini d'expliquer qu'il ne voulait que les meilleurs d'entre eux ou quelque chose de ce genre ... Un bruit sourd venant de derrière les deux jeunes gens se fait entendre. Chiwa et Dae-Ho se retournent en même temps, d'un même mouvement, pour découvrir qu'une des silhouettes encapuchonnées est descendu dans "l'arène" et viens de tuer en un éclair trois enfants ... La panique gagne le groupe, Chiwa et Dae-Ho se font bousculer alors que le sol se dérobe à la périphérie de la pièce, des flammes apparaissent alors pour remplacer les dalles venant de disparaître, accompagnées par les cris de douleur et d'agonie des premières victimes.

La silhouette se met à parler, à sa voix, Chiwa comprend qu'il s'agit d'une femme ... La voix expose les règles du "jeu" par une devinette, puis disparaît en laissant derrière elle quelques kunaïs au centre de la pièce.

(... seulement besoin des meilleurs ... cette devinette de "serpent qui se mord la queue" ... des armes en quantité limité ... ... "Bienvenue en Enfer" ... )

La peur envahit l'esprit de Chiwa, qui crois avoir compris ce que toutes ces personnes encapuchonnées attendent d'eux ... Dae-Ho et Chiwa n'ont pas vraiment changé de place lors de la bousculade, de ce fait ils font partis de ceux qui sont le plus proche du centre de la pièce ... Le plus proche des quelques armes laissées sur le sol ...

Pendant quelques secondes qui paraissent durer une éternité, l'assemblée se fige, aucun enfant n'ose bouger, probablement de peur de déclencher non-pas une nouvelle panique, mais le signal de départ d'une terrible bataille.

Les jambes de Chiwa refusent toujours de bouger, tétanisées, comme si elles étaient encastrées dans le sol de cette salle lugubre. Tournant la tête vers Dae-Ho comme pour lui demander son avis sur l'attitude à adopter, Chiwa remarque que lui aussi semble très nerveux. Les yeux de Dae-Ho s'arrêtent lorsqu'ils croisent ceux de Chiwa ...

(... ... Da-chan aussi a compris ... )

Soutenant son regard ... Espérant peut-être que Dae-Ho infirme son jugement ... Chiwa souffle d'une voix fébrile ...

"On doit ... se battre ?"

Dae Ho ne répondit pas immédiatement à Chiwa et détourna finalement son regard pour le poser sur les trois kunais qui se trouvaient dans la fosse, honteux des pensées qui traversaient son esprit: des kunais plantés dans le corps de victimes dont la seule faute avait été de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.

Oui. Dae-Ho avait parfaitement saisi ce qu'on attends d'eux, mais il répugne à emprunter le chemin sur lequel on veut les pousser. Ce serait contraire à tout ce que son père lui a enseigné, et pourtant... la possibilité d'accepter la situation lui a tout de même effleuré l'esprit.

Lorsqu'il reporte son regard sur Chiwa, ce sont des yeux plein de dégoût, pour la situation, pour lui-même et pour ces individus répugnant, que la jeune fille peut contempler. Il y a aussi de la peur car il n'a aucune idée de ce qui risque de se passer, et surtout, il envisage déjà le pire pour Chiwa et lui.

_Non... pas se battre. Il ne s'agit pas de se battre Chiwa...

Les poings serrés, Dae-Ho est visiblement en proie à un dilemme intérieur, et tremble visiblement de colère devant le choix cruciale auquel il doit faire face.

(Est-ce que je devrais prendre un de ces kunaï, pour mieux nous protéger? M'autoriserais-tu un tel geste, père? Devrais-je attaqué comme ça des gens qui ne m'ont rien fait, les tuer de sang-froid pour garantir notre propre survie? En suis-je seulement capable?)

_Il s'agit de s'entretuer, énonce gravement Dae-Ho. C'est un jeu morbide pour survivre, voilà ce que c'est. Chiwa je n'arrive simplement pas à envisager que tu...

Dae-Ho allait achever sa phrase lorsque le sol de l'arène trembla brièvement, le temps pour une seconde rangée de dalles de pierre de disparaître dans les méandres du sol, et d'une seconde colonne de flamme de se dresser fièrement. Même de leur position, à une dizaine de mètres du feu, Dae-Ho et Chiwa pouvaient déjà sentir la chaleur s'approcher.

Par réflexe, tous les enfants présents se rapprochèrent du centre de la fosse, tous les enfants en état mental d'agir. Les autres restèrent prostrés dans leurs positions, pleurant, priant ou attendant la mort. Comme personne n'avait encore choisi d'agir, en s'emparant d'un des kunais, bientôt une troisième rangée de dalle s'évapora de leur champs de vision, et une troisième colonne de flamme s'éleva. En contemplant tous les enfants qui se pressaient de plus en plus vers le centre, prêt de lui et de Chiwa, et la surface disponible qui s'amenuisait au fur et à mesure que des cercle de flammes remplaçait les dalles de pierre, Dae-Ho comprit alors qu'elle était la seconde chose qui diminuait lorsqu'un serpent se mords la queue. Le teint blafard, il tourna son regard vers Chiwa.

Non seulement devaient-ils prendre une décision des plus horribles et difficiles, mais ils n'avaient en plus qu'un temps défini pour cela. Bientôt, il n'aurait plus assez de place au centre pour que tous puissent s'y tenir.

Dae-Ho ne fut visiblement pas le seul à comprendre, et prêt d'un des cadavres où se trouvait planté un kunai, un premier esprit céda. L'un des garçons du groupe retira rageusement l'arme du front de sa victime, et hurlant, blessa plusieurs autres autour de lui, agitant maladroitement l'arme pour faire reculer tout le monde. La folie se répandit en une fraction de seconde parmi tout le groupe, et un second kunai fut ramassé par l'un des plus âgés garçon qui se précipita sur la première personne qu'il vit... Chiwa.

Le kunai allait s'abattre sur elle lorsqu'une autre silhouette percuta de plein fouet son assaillant, l'entraînant rouler au sol vers les flammes. Dae-Ho se redressa prestement pour faire face à l'individu qui s'était lui aussi remis sur ses pieds. Alors que le chaos éclatait dans la fosse, Dae-Ho et son adversaire s'attrapèrent mutuellement les mains et tentèrent de se repousser. Un duel de force brute qui tourna rapidement à l'avantage de l'adversaire de Dae, plus imposant et plus musclé que lui. Progressivement, l'autre adolescent enragé le repoussait vers les flammes.

Dae-Ho, bien sur, savait qu'il aurait pu utiliser la force de son adversaire à son avantage, en s'affaissant sur lui-même pour le faire basculer par-dessus lui mais ce faisant, il précipiterait irrémédiablement le garçon dans les flammes. Toujours au prise avec sa propre conscience, il ne parvenait pas à prendre une décision et dans quelques secondes, son incapacité à choisir aller le conduire droit à la mort.

Sur les trois kunais de la fosse, le dernier avait également été ramassé pendant que Chiwa se faisait attaquer. Désormais, seul restait celui qu'avait lâché l'assaillant pendant sa chute avec Dae-Ho, à quelques mètres derrière lui.

Et Chiwa restait ainsi, seule avec une décision à prendre, une décision lourde de conséquences pour elle comme pour ceux autour d'elle.

La tension et la peur ressentie par Chiwa montent d'un cran lorsque Dae-Ho expose sa vision des choses. (S’entre-tuer ? C'est pas possible ... Ça ne peut pas être vrai ... Quel intérêt ces personnes auraient-elles à faire tout ça ?!)

Alors que Chiwa reste collée à Dae-Ho et que celui-ci semble réfléchir ... Une deuxième rangée de dalles s'effondre sur le pourtour de la pièce ... puis une troisième, laissant les flammes se reprocher dangereusement du groupe d'enfant. Chiwa sent que la panique s'empare du groupe, des enfants commencent à se battre et Dae-Ho se rue sur un garçon qui tentait d'attaquer Chiwa.

"DA-CHAN !!"

Dae-Ho est aux prises avec ce garçon, qui semble beaucoup plus fort que lui et bien décidé à ne pas se laisser faire ... Chiwa ne sait plus quoi faire alors que le garçon le pousse lentement mais surement vers les flammes ... vers une mort certaine. Chiwa joint ses deux mains au niveau de sa poitrine comme si elle s’apprêtait à prier ...

"... Arrêtez ... ... S'il vous plaît ... ... Arrêtez !"

Mais le garçon continue de pousser Dae-Ho vers les flammes comme si sa vie en dépendait ... Laissant ses bras retomber en signe d'abandon, Chiwa baisse les yeux ... Elle remarque un kunaï sur le sol ... probablement celui que ce garçon a laissé tomber lorsque Dae-Ho l'a poussé. Sa tête tombe lourdement en avant, son regard se porte désormais sur ses pieds nus. Des larmes envahissent ses yeux.

(... Snif ... Pourquoi ... Je peux rien faire ... Papa ... Maman ... Dae-Hyung ... snif ... et maintenant Dae-Ho et moi ... Tout le monde disparaît autour de moi ... ça a toujours été comme ça ... )

Les bras de Chiwa restent ballants, de chaudes larmes s'écrasent sur le sol, se mélangeant au sang en train de se répandre sur la pierre glacée qu'elle ressent sous ses pieds. Puis d'un seul coup, Chiwa serre les poings, elle cesse de sangloter même si de grosses larmes coulent toujours sur ses joues.

(... je veux pas mourir ici ... ... tout ça c'est à cause de ces bandits ... je dois ... ... Je ne vais pas mourir ici ... Da-chan non plus ... ... Hors de question ... )

Chiwa redresse vigoureusement la tête, des larmes perlent toujours au coins de ses yeux, mais au lieu de la peur qu'on pouvait y lire il y a encore quelques secondes ... Une flamme rougeoyante y brûle ... Une flamme chargée de volonté et de résolution, mais aussi de colère.

"... Je refuse de rester là sans rien faire."

S'élançant en avant telle une panthère bondissant sur une proie, Chiwa effectue une première enjambée, et, profitant de l'élan donnée à sa jambe, donne un grand coup de pied dans le kunaï resté sur le sol. Le Kunaï file comme une flèche, passant à quelques centimètres de l'oreille de l'agresseur de Dae-Ho, traversant les flammes et les grilles entourant l'arène en un éclair, et terminant sa course en se plantant dans la paroi rocheuse de la salle. Chiwa fait une seconde enjambée vers le garçon qui n'a visiblement rien remarqué. Prenant un élan suffisant en utilisant sa jambe d'appui comme pivot, elle assène un grand coup de pied circulaire dans les côtes du jeune garçon en hurlant ...

"LÂCHE LE !!!"

La peur. La tension. Le doute. Une décision. La décision de Chiwa. La rage et la détermination au ventre, elle frappe l'assaillant de Dae-Ho sans l'ombre d'une hésitation.
La force de son coup est telle qu'un craquement sinistre retentit, et qu'elle perçoit plusieurs côtes du garçon se briser sous l'impact. Pris par surprise, il chute lourdement au sol, roulant sur lui-même, et tente maladroitement de se relever dans la suite de son mouvement. La frappe conjuguée à la douleur qui se répands depuis son flanc le font tituber, et le garçon ne se rends pas compte qu'il est juste au bord du gouffre d'où s'échappent les flammes. Plié en deux, il trébuche et l'un de ses pieds se pose dans le vide. Le garçon chute.

Dae-Ho se précipite et attrape in-extrémiste son avant-bras, ne pouvant se résoudre à le laisser disparaître ainsi dans le feu et le vide. Il tente de toute son énergie de le tirer hors du trou, et parvient à le remonter à hauteur d'épaule.

(Non non non non! Il ne doit pas tomber sinon Chiwa aura... Chiwa aura... s'il meure en tombant dans le trou c'est comme si elle... l'avait tué!)

Cependant, le mal est déjà fait. Le feu lèche les vêtements du malheureux et se propage rapidement dessus. Le garçon hurle et s'agite, sa peau commençant à brûler sous le regard horrifié de Dae-Ho. Une odeur rance de chair brûlée monte rapidement au nez de Chiwa et de son demi frère alors que le corps du pauvre assaillant se consume, sa peau rougissant avant de se noircir atrocement. Bientôt, Dae-Ho n'a d'autre choix que de lâcher le bras du malheureux pour ne pas se faire entraîner et brûler lui-même.

Le corps disparaît dans les abysses rougeoyantes, et Dae-Ho recule lentement du trou béant, sur son céans, avant de se relever et de chercher le regard de Chiwa. Une mine épouvantée se dessine sur son visage.

_Chiwa tu... il est...

Dae-Ho semble accuser le choc, regardant autour de lui alors même qu'il paraît complètement absent, étranger à la situation.

Les jeunes gens ici rassemblés sont entrain de se déchirer parmi le cercle de pierre, comme des animaux, de simples bêtes sauvages qui auraient perdu tout sens d'humanité et d'intelligence.
Là, un garçon a agrippé les cheveux d'une fille, et écrase par coups successifs son visage sur le sol, où se répands progressivement une mare rougeâtre. Ici, deux autres se frappent et se mordent sans merci, tentant de se jeter l'un l'autre dans les flammes, pour finalement chuter ensemble alors qu'une nouvelle rangée de dalles se retire. Les autres hurlent, pleurent ou maudissent le monde. Le nombre de survivants est de plus en plus restreint, et bientôt il ne subsiste qu'une dizaine d'enfants.

L'esprit de Dae-Ho cède progressivement devant pareille folie. Il se précipite, éperdu, pour essayer d'empêcher les autres de s'entretuer sauvagement, mais se retrouve repoussé à chaque fois, ou manque de recevoir de dangereux coups sous le regard de Chiwa qui ne peut que constater son demi-frère perdre tout contrôle sur lui-même et sur son esprit.
Finalement, il tente d'agripper le garçon qui continue de frapper le cadavre défigurer de la fille, mais ce dernier lui assène un furieux coup de coude dans le ventre pour le repousser, la folie se lisant clairement sur sa figure, toute trace d'esprit logique ayant disparu.
Le souffle coupé, Dae-Ho accuse le coup. Une autre silhouette en profite pour fondre sur lui, l'un des enfants qui détient un kunai, et le plante férocement dans le flanc de Dae. Par réflexe, Dae réagit en assenant un coup de paume de la main sur la base du nez de l'attaquant, brisant net l'arête de celui-ci et enfonçant sa partie supérieure vers le cerveau. L'assaillant s'écroule en arrière, mort.

Dae-Ho tombe un genou à terre, se tenant le ventre mais ne donne pas l'impression de se rendre compte réellement de sa blessure, ses yeux rivés sur le cadavre dont il vient de se faire l'auteur.

_Je... je l'ai tué... qu'est-ce que j'ai fait...

Il ne prête pas plus attention à deux autres rivales qui ont visiblement décidé de faire cause commune, et qui se jettent dans sa direction pour l'achever.

Chiwa est soulagée que Dae-Ho n'ait rien ... Mais alors qu'elle lui tend la main pour l'aider à se relever, celui-ci se lève d'un bond et se précipite vers le bord du gouffre. Un petit moment d'interrogation pour Chiwa, avant qu'elle ne comprenne que Dae-Ho tente d’empêcher le garçon qu'elle vient d'envoyer valser de tomber dans le vide. Dae-Ho se jette à plat ventre et attrape la main du garçon en train de chuter, Chiwa s'empresse de se mettre elle aussi à plat ventre pour retenir Dae-Ho par les jambes.

Après quelques secondes, n'ayant visiblement rien pu faire, Dae-Ho se redresse et se tourne vers Chiwa. La peine, la surprise, la peur ... Trop d'expressions différentes peuvent se lire dans son regard et sur son visage.

"Chiwa ... Tu ... Tu l'as ..."

(... tué ... Je sais ... Je voulais te sauver ... je n'avais pas le choix ...) ... C'est ce qu'elle aurait souhaité répondre, mais même si les mots sont bien là, présents dans son esprit, impossible de les formuler, impossible de parler, et de toute façon elle n'en aurait pas eu le temps. Dae-Ho se précipite au milieu du groupe d'enfant, tentant désespérément d'arrêter ce massacre, mais rien n'y fait, les enfants sont trop occupés à lutter pour leur vie pour l'écouter.

(... Vraiment ... je n'avais pas le choix Da-chan ... ) Chiwa regarde ses mains, comme si elle s'attendait à les voire tachées de sang. (J'ai pris la vie de quelqu'un ... ) Des larmes recommencent à couler sur ses joues, Chiwa frotte ses yeux du revers de ses mains. (Bien sûr que j'avais le choix ... snif ... pourquoi j'ai fait ça ... J'aurais dû éviter de... )

Un cri de douleur poussé par Dae-Ho interpelle Chiwa, qui redresse la tête vers le centre de la pièce ... Il vient apparemment de terrasser un jeune garçon. (Qu'est-ce que ... Da-chan a lui aussi... ) Mais sa réflexion est de courte durée car interrompue par un détail important, Dae-Ho met un genou à terre, il se tient le ventre avec une de ses mains, du sang coule abondement d'une plaie ouverte sur son flanc. Chiwa commence à courir vers son frère ... (Oh non ... non ... non non non NON NON NON !).

Alors qu'elle se précipite vers lui, Chiwa remarque deux enfants derrière Dae-Ho, deux filles, visiblement décidées à l'achever. De la même façon qu'il y a quelques minutes, l'esprit de Chiwa se retrouve empli de colère, comme si aucun autre sentiment ne pouvait plus y exister.

"ÉCARTEZ VOUS DE LUI !!"

Les deux filles ne l'écoutent apparement pas, elle accèlère sa course, et, sous les yeux surpris de son frère, saute les deux pieds joints en avant par dessus Dae-Ho pour se réceptionner sur le torse de la première des deux filles, visiblement surprise par cette acrobatie. Pliants les genoux en flexion avant de les étendre de nouveau, Chiwa donne une violente poussée sur ses jambes qui propulse cette malheureuse fille vers les flammes derrière elle. Effectuant une sorte de salto arrière, Chiwa se réceptionne sur le sol, faisant désormais face à la seconde fille. Lorsque les yeux de Chiwa croisent les siens, elle semble hésiter. Elles restent là toutes les deux, quelques secondes, à s'observer ...

"Ne tente rien de stupide."

La voix de Chiwa est inhabituellement glaciale et impérative. La peur se lit sur le visage de la fille devant elle, qui se met à hurler et tente de l'attaquer avec un Kunai tenu fébrilement entre ses deux mains. Chiwa évite l'attaque avec une simplicité désobligeante, puis sa jambe droite se lève en un éclair, elle assène un coup de pied dans les mains de la fille, lui faisant lâcher le Kunai, qui termine sa course quelque part dans le plafond de la salle. Alors que la fillette apeurée regarde les jambes de cette étrange fille aux cheveux écarlates former désormais un angle de 180 degrés, Chiwa rabaisse violemment sa jambe droite, assénant un grand coup de talon derrière la tête de cette pauvre fille, dont le visage s'écrase contre le sol en un horrible craquement.

Chiwa respire calmement, les yeux désormais rivés sur le sang dégoulinant du visage contre terre de cette pauvre fille. Puis elle tourne la tête vers Dae-Ho, son visage terrifié fait revenir Chiwa à la réalité. Elle regarde à nouveau le corps de cette malheureuse, puis tourne de nouveau le visage vers son frère, réalisant ce qu'elle viens de faire.

"... Non ... non ... Je voulais pas ... mais elles allaient ... elle allaient te tuer ... "

Dae-Ho semble toujours souffrir de sa blessure ... Chiwa tombe à genoux à coté de lui, se prenant la tête entre les mains ...

"... Je ne voulais pas ... faire ça ... "

De grosses larmes se mettent à nouveau à couler du coins de ses yeux ...

Le chaos est total. Les corps sans vie de nombreux enfants jonchent le sol de la salle, quant ils ne sont tout simplement pas purement calcinés en étant tombés dans les flammes.

Chiwa est recroquevillée à genoux, bouleversée par ce qu'elle a du faire. Da-Ho, juste à son côté, blessé et tout aussi désemparé devant la situation, tends une main fébrile vers sa demi soeur, hésitant. Il est partagé par la peur de ce qu'elle a fait, la honte de n'avoir pas su trouver une autre voie à tout ça, et son affection pour la jeune fille.
Lorsque sa main atteint enfin l'épaule de Chiwa, toutefois, ce n'est pas un répits ou un instant de retrouvailles qui s'offre aux deux survivants.

La silhouette encapuchonnée du début vient de réapparaître devant eux, et seul son sourire sarcastique est visible sous sa capuche. La scène semble visiblement beaucoup l'amuser. A son apparition, Dae-Ho sert les dents, s'attendant au pire d'un instant à l'autre.

_Félicitations. Vous êtes les deux derniers survivants, énonce-t-elle en écartant nonchalamment les bras tel un maître de scène.

Dae-Ho reste un moment dans l'expectative, se tenant le flanc. Il réalise enfin les mots qui viennent de leur être adressés, et regarde rapidement autour de lui comme pour se confirmer la cruelle vérité. Oui, lui et Chiwa sont en vie, au prix de toutes celles des autres enfants qui étaient encore là avec eux quelques minutes auparavant.

Il ne pu réprimer le dégoût qui montait en lui, accompagné par la culpabilité d'avoir survécu au dépends des autres. Un poids qui serait lourd à porter pour la suite, il n'en doutait pas. Et ce serait probablement pour Chiwa que ce serait le plus dur, elle qui venait de tuer pas moins de trois personne.

("Au moins... Chiwa est vivante... Chiwa est vivante... C'est la seule chose qui compte encore. La seule chose que je ne permettrais pas... Qu'il lui arrive quoique ce soit...")

Reprenant son souffle, Dae-Ho se tourne vers Chiwa en posant une main affectueuse sur elle pour l'aider à se calmer et retrouver ses esprits.

_C'est fini, Chiwa. Tout va bien, c'est fini. Nous sommes en vie, tente de la rassurer le jeune homme.

_On ne peut plus correcte mon jeune ami. Vous êtes en vie, et avez réussi l'épreuve de survie.

Dae-Ho eut un long soupir de soulagement, caressant le dos de Chiwa de sa main pour la réconforter, mais lorsqu'il entendit les mots qui suivirent,
tout son être se figea et son coeur manqua d'arrêter de battre sur l'instant.

_Toutefois, poursuivit la silhouette, je suis au regret de devoir vous annoncer que nous n'avions pas prévu de duo survivant pour la session d'aujourd'hui...

La femme sortit deux nouveaux kunais de sous ses manches, et les lança au sol devant Chiwa et Dae-Ho.

_Je suppose que je n'ai pas besoin de vous expliquer à quelle malheureuse tragédie cela nous conduit? Faites ça proprement et vite, qu'on en finisse.

Dae-Ho resta figé, le regard dans le vide. C'était un cauchemard, un cauchemar dont il allait se réveiller, il ne pouvait en être autrement. Il était impossible que Chiwa et lui se retrouvent devant pareil situation.

Lentement, tel un fantôme, Dae-Ho tourna sa tête vers sa demi soeur, et plongea ses yeux dans les siens. La première chose que Chiwa pu y lire, c'est que jamais au grand jamais, Dae-Ho ne serait capable de ramasser ce kunai pour s'en servir contre elle. Il était pourtant certain que si ni l'un ni l'autre ne faisait rien, la silhouette se chargerait de trancher.

La question était donc à présent de savoir si la survie, pour Chiwa, était plus importante que l'amour qu'elle portait à Dae-Ho...

Même si les choses semblent se calmer autour d'elle, Chiwa n'y prête aucunement attention. Elle est juste là, à genoux sur le sol, à se morfondre dans ses pensées, les yeux fermés et les mains couvrant ses oreilles, comme si elle essayait d’échapper à la dure réalité de la situation.

(... Je ... Je ne voulais pas ... ... elles étaient ... elles sont ... je me souviens pas ... j'ai agi par réflexe sans réfléchir ... ... Je suis vraiment ...)

Ses pensées sont tout à coup interrompues par la présence d'une main sur son épaule. Chiwa se retrouve tétanisée dû à ce rappel à la réalité un peu trop brusque, mais très vite, elle ressent quelque chose d’apaisant, comme un sentiment de légèreté que cette main réconfortante lui apporte. Elle rouvre les yeux et, ses mains libérant sa tête de leur emprise, se redresse un peu et tourne le visage dans la direction de cette présence apaisante.

Dae-Ho lui fait face, toujours blessé mais visiblement l'air rassuré alors qu'il essaye tant bien que mal de sourire. La main sur l'épaule de Chiwa est la sienne.

"C'est fini Chiwa ... Tout va bien ..."

La fin de la phrase de Dae-Ho ne parvient pas aux oreilles de Chiwa, celle-ci remarquant soudainement la silhouette encapuchonnée se tenant debout juste devant les deux jeunes gens. Noire, glaciale, imperturbable, un sourire dérangeant aux coins des lèvres. La silhouette se remet à parler, expliquant qu'ils ont réussi l'épreuve de survie. Chiwa jette un coup d’œil par dessus son épaule et sentit ses cheveux se dresser sur sa nuque en contemplant le spectacle macabre qui se tenait derrière elle. L'ambiance est malsaine, le sol de la pièce circulaire a pris une horrible teinte cramoisie, il est recouvert de sang, les cadavres sans vie des enfants qui ont participé à cette bataille absurde jonchent le sol. Chiwa retourne subitement la tête vers la silhouette alors que celle-ci se remet à parler ...

"Je suis au regret de devoir vous annoncer que nous n'avions pas prévu de duo survivant pour la session d'aujourd'hui ... ... Je suppose que je n'ai pas besoin de vous expliquer à quelle malheureuse tragédie cela nous conduit? ... "

La silhouette laisse tomber deux Kunais sur le sol ... Chiwa les contemple un instant, elle a bien compris ce que sous-entends la silhouette encapuchonnée, il ne doit y avoir qu'un seul survivant. Alors qu'elle commence à nouveau à paniquer elle lève les yeux vers Dae-Ho, mais il semble apparemment tout aussi perdu et désemparé qu'elle ... Elle tourne son regard vers la silhouette qui semble l'observer attentivement, de nouveau la peur semble avoir raison de l'habituelle bonne humeur de Chiwa ...

( ... C'est un cauchemar ... Da-chan et moi ... nous battre à mort? ... )

La silhouette ponctue son explication par une dernière remarque ...

"Faites ça proprement et vite, qu'on en finisse."

Chiwa baisse de nouveau la tête vers le sol et tombe légèrement en avant, la paume de ses mains reposant désormais contre le sol. Alors qu'elle réfléchis en vain pour trouver une alternative à cette situation, elle est choquée lorsque l'idée de sacrifier Dae-Ho pour sauver sa vie lui effleure l'esprit.

( Non ... Surtout pas ça ... ... Tout sauf ça ... Pourquoi ces gens font ça ... Pourquoi ... ... Qu'est-ce que ... je dois faire ... ... qu'est-ce que je peux faire ? ... )

Un silence de mort règne dans la salle. Dae-Ho ne semble pour le moment pas bouger ... Chiwa non plus. Les deux kunais n'ont pas bougés d'un pouce eux non plus, ils reposent toujours sur le sol, baignant dans le sang des victimes du massacre ayant eu lieu un peu avant, narguant les deux enfants survivant de s'en servir pour enfin achever la bataille.

( ... Je ne peux pas ... laisser Da-chan mourir ... mais il est blessé ... Non ! ... je veux pas mourir ... ... )

Alors que la silhouette continue d'attendre patiemment que l'un des deux enfants fasse le choix de sauver sa vie au détriment de celle de l'autre, un calme malsain règne toujours dans la pièce.

( ... J'ai peur ... j'ai trop peur ... Mais ... Il faut que je le protège ...  Je doit le faire ... ... C'est à mon tour de le faire ... ... Lève toi Chiwa ... ... Aller ... Lève toi ...)

Son petit corps refuse de lui obéir, malgré la volonté de Chiwa, la peur le cloue au sol, comme si celui-ci savait mieux qu'elle que ce qu'elle allait entreprendre signerait la fin de sa vie ... Quelques interminables secondes s'égrainent, puis Chiwa serre les poings et romps le silence infernal de la pièce en poussant un cri chargé d'émotion et de volonté ...

"LÈVE TOI !!!"

Sa volonté de protéger la dernière personne qui lui soit chère reprend le dessus sur sa peur. Sous les yeux de la silhouette impassible et de Dae-Ho, visiblement surpris, très lentement, Chiwa se redresse ... La tête basse, les yeux cachés par ses cheveux en bataille, elle marche lentement vers l'endroit où les kunais sont posés sur le sol, elle a l'impression que chaque pas qu'elle fait représente un effort considérable.

Elle viens enfin s'interposer entre la silhouette et Dae-Ho, les kunais reposants sur le sol, entre ses deux pieds. Puis, toujours d'un mouvement lent, elle écarte les bras en croix, et redresse la tête vers la personne encapuchonnée se tenant toujours face à elle. Des larmes sont toujours présentes aux coins de ses yeux, cependant Chiwa a arrêté de pleurer, et ses yeux affichent une détermination inébranlable et une volonté de fer ... bien que de la peur et de l'appréhension y soient toujours présents.

Chiwa s'adresse alors à la silhouette devant elle, sa voix est claire, forte, tranchante comme une lame, mais également chaleureuse et chargée de courage.

"Je ne vous laisserais pas lui faire de mal."

Un silence implacable réponds à la volonté de Chiwa durant de longues secondes. Soudainement, de petits rires hilares montent du balcon tout autour de l'arène, se voulant discret, mais pas suffisamment pour ne pas être entendus. Dae-Ho peste alors en serrant les dents devant ces marques de dédain évidente à l'encontre du courage de sa demi soeur.

Chiwa perçoit également des bribes de parole.


"Je ne vous laisserais pas lui faire de mal, elle a vraiment dit ça..."


"C'est trop drôle. C'est la premier fois que l'un d'entre eux veut en protéger un autre."


"Amusant, vraiment."


"Elle ne manque pas d'humour celle-là. Peut-être qu'elle est simplement folle."


A son tour, la silhouette encapuchonnée dans l'arène laisse échapper un rire provoquant et railleur.

"Tu vas donc le protéger envers et contre tout? Alors dis moi, jeune fille..."

Le mouvement est presque imperceptible mais néanmoins notable, comparé à l'immobilité parfaite dont faisait preuve la silhouette jusqu'ici. Dae-Ho a clairement vu ce début de geste et pressentant le pire, il esquisse un pas vers Chiwa, hurlant son nom, prêt à la défendre lui aussi.
Il a décidé, et outrepassé toute cette folie. Qu'importe ce qui vient de se passer, qu'importe les rires hilares de ces monstres à forme humaine autour d'eux, et qu'importe ce que Chiwa et lui viennent de commettre contre leur gré. S'il doit mourir aujourd'hui et ici, ce sera en accord avec ses convictions, l'enseignement de son père, et ses sentiments pour Chiwa. Jusqu'au bout.

"Chiwaaaa!"

Cependant, lorsque la silhouette disparaît à une vitesse telle que ni lui, ni Chiwa ne parviennent à saisir son déplacement, ce n'est pas devant Chiwa que la femme réapparait. Dae-Ho s'est trompé sur son jugement, et Chiwa sur la réaction qu'elle pensait probablement engendrer, mais il est trop tard.

Le visage de Chiwa est fouetté par un courant d'air incroyable, qui balaye d'un ample mouvement ses cheveux. Ceux-ci retombent avec une étrange lenteur dans leur position habituelle. Le temps s'est-il ralenti, ou est-ce simplement la perception de la jeune fille alors que son esprit comprends probablement ce qui est entrain de se passer?

Derrière elle, alors qu'elle n'a pas encore même eu la possibilité de se retourner, Chiwa entends le fer déchirer la chair, et ne peut qu'imaginer le sang jaillir alors qu'un cri horrible, plus encore que tous ceux qu'elle a pu entendre aujourd'hui, résonne dans la salle...

( ... Est-ce le bon choix ? ... )

A partir du moment où Chiwa s'est interposée entre cette étrange silhouette et Dao-Ho, cette question n'a cessé de se répéter dans sa tête.

( ... Je vais le protéger, c'est le bon choix ... ... Mais cette femme a l'air d'être forte ... Est-ce que je vais pouvoir lui tenir tête ? ... )

Ses pensées sont interrompues par des rires provenant des hauteurs de la salle, Chiwa lève rapidement les yeux vers les balcons entourant cette arène de mort, et aperçoit plusieurs silhouettes encapuchonnées en train de rigoler et de discuter entre eux. Des murmures restant néanmoins audibles parviennent aux oreilles de Chiwa alors qu'elle rabaisse les yeux vers la femme encapuchonnée devant elle.

( Ils se moquent de moi ... ... J'ai vraiment aussi peu de chance de gagner que ça ? ... Mais qu'est-ce que je peux faire d'autre ?! )

A son tour la silhouette de la femme encapuchonnée laisse échapper un rire moqueur ...

"Tu vas donc le protéger envers et contre tout ?"

Sur la seule partie du visage de cette femme que Chiwa peut apercevoir, sa bouche, elle voit clairement se dessiner un sourire étrange, dérangeant, presque malsain ... Alors que Chiwa s'attend à subir le premier et peut-être dernier assaut de cette femme, la silhouette disparaît soudainement devant elle dans un courant d'air, emmenant virevolter les cheveux de Chiwa au passage ...

"... Hein ?"

Les yeux de Chiwa s'écarquillent, de la panique, de la peur, de l'horreur ... beaucoup trop de choses négatives y apparaissent d'un seul coup alors qu'elle comprend ce que la femme vient de faire. Un horrible cri étouffé se fait entendre derrière elle, qui confirme sa pensée ... Ce n'était pas elle la cible de l'attaque.

Lentement, et d'un mouvement mal assuré, comme si son corps était devenu celui d'un pantin dont les articulations serraient grippées, Chiwa se retourne vers l'endroit où se trouvait Dae-Ho il y a encore quelques secondes ...

Lorsque Chiwa se retourne, une gerbe de sang l'éclabousse sur son torse et sur son visage.

Dae-Ho chute inexorablement vers l'arrière, son torse frappé d'une plaie béante sur toute sa longueur. La main de la silhouette vient agripper son cou et se referme furieusement dessus pour l'empêcher de chuter. Dae-Ho agrippe faiblement le poignet de la femme mais n'a déjà plus la force de se défendre d'avantage. Son sang dégorge de sa blessure et se répands progressivement sur le sol sous le regard impuissant de Chiwa. Tout juste le jeune homme parvient-il à conserver les yeux ouverts, des yeux qui se tournent vers Chiwa, mais elle ne saurait dire le sentiment qui les emplit.

La silhouette, à son tour, tourne sa tête vers la jeune fille et lui adresse ses mots acerbes, horrible vérité s'il en est:

_Qu'as-tu donc protégé avec tes mots, gamine, à part du vent?

Le bras armé de la silhouette se lève à nouveau, et sans coup férir, le katana transperce le ventre de Dae-Ho de la gorge duquel s'échappe un affreux gargouillis, avant que du sang ne sorte de sa bouche et coule sur son menton. Son corps s'agite de spasmes et ses yeux se figent sur leur orbite.
La silhouette relâche son étreinte. Lentement, le corps de Dae-Ho s'affaisse vers le sol, d'abord sur ses genoux, le buste bien droit. Enfin, il bascule sur le côté, et le regard vide et fixe de Dae-Ho croise une dernière fois celui de Chiwa  avant que son corps ne se fige totalement sur le sol, face contre terre.

La silhouette encapuchonnée se poste de toute sa hauteur au-dessus du corps inerte du jeune garçon, lève le katana à deux mains tout en regardant Chiwa, et le plante dans le dos de sa victime tout en continuant de fixer la jeune fille intensément sous le voile obscure de sa capuche. Une flaque de sang s'agrandit sous le corps de Dae-Ho.

Enfin, elle apostrophe Chiwa avec colère et dégoût dans la voix, et ses mots résonnent lourdement et longuement dans la salle:

_Qu'as-tu donc protégé avec tes mots?!

Chiwa assiste impuissante à la mise à mort de son propre frère, et alors que la silhouette encapuchonnée laisse tomber lourdement le corps de Dae-Ho sur le sol, les jambes Chiwa défaillissent, et elle tombe à genoux dans un bruit sourd sur le sol de la pièce. Elle contemple un instant le corps de Dae-Ho sur le sol, espérant peut-être que celui-ci se redresse et se relève, mais alors qu'elle ouvre la bouche pour prononcer son nom, le katana de la silhouette s'abat dans le dos du corps inerte du jeune garçon.

Chiwa est prise d'un hoquet de terreur alors que la femme termine d'achever son demi-frère juste devant elle. De nouveau, des larmes envahissent ses yeux, et sa vue se trouble alors qu'elle peut entendre la silhouette prononcer cette phrase tranchante et glacée à son attention ...

"Qu'as-tu donc protégé avec tes mots?!"

Rien ... Elle n'a rien pu faire ... Les mots de cette femme percutent Chiwa de plein fouet, ils résonnent dans la tête de la jeune fille qui prend non seulement conscience de ce qui vient de se passer, mais aussi de l'atroce réalité de la situation ... son frère viens probablement de mourir à cause d'elle ...

Alors que la silhouette range son arme, Chiwa se met à ramper à quatre pattes vers Dae-Ho, qu'elle appelle d'une voix tremblante et presque inaudible ...

Lorsqu'elle arrive près du corps de son frère, elle s'en saisit par les épaules et le fait basculer dans ses bras. Les yeux de Dae-Ho demeurent fermés ... et l'expression de son visage ensanglanté reste figée dans la douleur ...

" ... lève ... relève toi ... "

Les genoux de Chiwa reposent dans la flaque de sang recouvrant le sol et sa robe blanche prend peu à peu une teinte cramoisie. Elle secoue légèrement le buste de Dae-Ho, comme si elle essayait de le réveiller d'une sieste un peu trop longue ... Mais sa tête se contente de se balancer mollement dans le vide ... et Dae-Ho reste irrémédiablement immobile.

" ... Non ... S'il te plait non ... ... pas toi ... "

Plusieurs secondes d'un silence glacial se passent ... Quelques unes des larmes qui coulent le long des joues de Chiwa tombent et viennent s'écraser sur le visage de Dae-Ho ... Elle serre soudainement le corps de son frère dans ses bras ... elle se met à sangloter, puis à pleurer comme jamais elle n'avait pleuré auparavant ... un horrible cri de tristesse déchire le silence mortel de la pièce.

Pour la deuxième fois, tous les membres de sa famille sont morts sous ses yeux ... et elle n'a rien pu faire pour les sauver ...

N'était les pleurs, le désarroi et la douleur de Chiwa, il n'y a plus un bruit dans la fosse et sur les balcons. Plus de ricanements, de rires sarcastiques ou de remarques désobligeantes. Le silence a pris place. Petit à petit, les hauteurs se vident de leurs occupants.

Bientôt, il ne reste qu'une unique silhouette encapuchonnée qui semble quelque peu difforme, comme si ça manière de se tenir en dessous de sa toge n'avait rien de conventionnelle, ou qu'elle n'avait pas une morphologie identique au commun des mortels. Parfaitement immobile, la silhouette contemple la scène sans un mot, sans un geste.

Dans la fosse, Chiwa reste semble-t-il un bon moment à serrer contre elle le corps sans vie de Dae-Ho. La silhouette de la femme reste là, à quelques mètres de distance, la regardant un long moment. Puis elle esquisse un simple geste, et deux gardes surgissent de nul part pour empoigner Chiwa par les bras, et commencent à l'emporter sans ménagement vers la porte de la fosse dont les dalles du sol viennent de se replacer abruptement comme s'il ne s'était rien passé.

La femme s'éclipse à son tour, et Chiwa voit le corps sans vie de Dae-Ho s'éloigner de son regard un peu plus à chaque pas. Alors que ses geôliers l'emportent et qu'ils atteignent la porte de la salle, avant que celle-ci ne se referme définitivement sur la perte d'un être cher, Chiwa peut apercevoir une dernière silhouette difforme qui vient de descendre dans la fosse, et ramasse dans ses immenses bras le corps inerte de Dae-Ho. Même à cette distance, Chiwa peut sentir le regard de la silhouette se poser sur elle à travers l'interstice des deux battant de porte qui se referme.

Dans un bruit sourd, la porte se clos. Chiwa ressent un nouveau choc à l'arrière de son crâne, sa vue se trouble tout à fait et son esprit s'embrouille. La jeune fille replonge dans l'inconscient, et le néant s'impose à elle...