Cellule Chiwa

Participation: Chiwa
Aspect temporel: J+1 (un jour après "l'arrivée/test" [à définir] de Chiwa


Chiwa rêve. Un rêve personnel mais perturbé par des bruits de petits couinements éparses dont la jeune fille est certaine qu'ils n'ont rien à voir avec ce qu'elle voit dans son subconscient. Il y a ce chatouillement incessant aussi, qui lui semble provenir de son ventre et qu'elle ne comprends pas. Et puis surtout, la douleur de tout son corps endolori. Elle retrouvent petit à petit des sensations qui se révèlent des plus désagréables. Ses poignets et ses chevilles lui font un mal de chien, visiblement liés à quelques rondins de bois par une corde qui a été bien trop serrée pour juste la retenir, comme si on avait voulu imprimer à tout prix dans sa chair un souvenir physique de ces liens.
Avant de totalement émerger, Chiwa peut sentir également, de manière presque imperceptible mais présente, qu'elle a légèrement plus chaud au visage qu'au reste de son corps.
Les couinements qu'elle entends autour d'elle se font plus pressens, et surtout, elle comprends que l'un d'eux provient de sur son ventre.

C'est un monde étrange ... Un monde vide et froid, dépourvu de toute vie, où l'obscurité est omniprésente ... Un monde noir.

Chiwa se tient debout au milieu de ce néant ... habillée de son habituelle robe blanche ... seule ... Puis d'un seul coup elle se retrouve au milieu d'une route de campagne ... Face à une maison en bois assez classique qu'elle reconnait au premier coup d’œil ... L'endroit où elle a grandit ... son ancienne maison. Des poules et des poussins gambadent dans le jardin, une charrette contenant des légumes est parquée à coté d'un petit potager, et les parents de Chiwa se tiennent droit sur le perron de la porte, affichant chacun un large et chaleureux sourire, et lui adressant de grands signes de la main.

Cette vision lui réchauffe le cœur, des larmes de joie apparaissent au coin de ses yeux ... Elle tente de s'avancer, de s'élancer, de courir vers ses parents pour les serrer dans ses bras, mais ses jambes refusent de bouger ... La maison prend subitement feu. Les parents de Chiwa disparaissent dans les flammes alors qu'ils arborent encore leurs airs si joyeux. Les jambes de Chiwa refusent encore et toujours de bouger. Elle essaye d’appeler ses parents, de leur dire de fuir, mais aucun son ne sort de sa bouche.

Le brasier disparaît pour ne laisser à nouveau que le néant. Les yeux de Chiwa se ferment, et elle tombe à genoux en sanglotant.

Quelques secondes passent lorsqu'un couinement retentit dans l'obscurité. Chiwa relève la tête mais n’aperçoit que le néant. Un nouveau couinement se fait entendre juste devant elle, sur le sol. Elle baisse la tête et remarque qu'une souris d'un blanc immaculé la toise du regard, juste là, debout sur ses pattes arrière. La souris couine de nouveau et s'adresse à elle d'une voix résonnante que Chiwa reconnait immédiatement, Gan Dae-Hyung, son maître et père adoptif ... "Il faut vivre pour le futur.". Alors que Chiwa tente de prendre la souris dans ses bras celle-ci disparaît à son tour sans laisser de trace ... "Chiwa ? ... ... ... C'est l'heure de te lever ! ... ... Aller, dépêche toi! ... ... Debout !!"

Chiwa sort enfin de sa torpeur ... Réveillée, mais les yeux toujours clos ... Sa respiration est difficile et douloureuse ... (Ha ... ha ... ... encore ce rêve ... ... mais la souris ... ça c'était nouveau ...). Elle réalise enfin que quelque chose ne va pas ... Elle ne peut pas bouger, son corps entier est endoloris, sa tête la fait affreusement souffrir, ses poignets et ses chevilles la brûle horriblement, et elle ressent comme un poids sur l'estomac ...

Gémissant à cause de la douleur, elle tente de se rappeler des événements qui lui ont valu de se retrouver dans une situation aussi inconfortable, lorsqu'elle entend de nouveau des couinements comme dans son rêve ... (... Des souris ?) ... Ses paupières semblent peser une tonne, serais-ce parce qu'elle a instinctivement peur de les ouvrir ?

Elle tente de se calmer et reprend encore une fois son souffle. Elle pousse un long soupir ... (Haaa ... ... ... ... Brrr... ). D'une voix étranglée quelques mots sortent difficilement de sa gorge ...

"J'ai froid ...".

Elle ouvre les yeux ...

Il faut un petit moment à Chiwa pour accoutumer ses yeux à la demi pénombre qui l'entoure, n'était le rayon de lumière qui provient d'un trou dans le plafond de pierre et qui lui paraît si lointain.
Elle est allongée de tout son long sur une planche de bois à plusieurs dizaine de centimètres du sol, à l'horizontal, et effectivement, ses membres sont lourdement liés à l'armature de cette "table", ce qui l'empêche proprement de bouger autre chose que les doigts, les orteils et la tête.

En dehors du halo de lumière formé par la lucarne circulaire au-dessus d'elle, la pièce où elle se trouve est plongée dans une quasi obscurité. Il y fait froid, et peut de doute est permis quant à la nature de l'endroit où elle se trouve actuellement, au vu des murs faits de gros blocs de pierre: Chiwa est dans une cellule.

Alors qu'elle émerge un peu plus, Chiwa comprends enfin qu'elle était ce poids qu'elle percevait sur son ventre. Un rat semble avoir trouvé le moyen de se hisser jusqu'à elle, et fouine sur sa peau allégrement, la chatouillant de ses moustaches, et grattant légèrement de ses pattes par instant. D'ailleurs, des traces de griffures peu profondes pour le moment sont déjà présentes au-dessus de l'estomac de Chiwa. A la mine cadavérique de la bête, et ses yeux injectés de sang, Chiwa comprends aisément qu'il n'a pas du mangé depuis longtemps, et aux multiples couinements qu'elle entends en fond sonore, il n'est s'en doute pas le seul. Le rat émets un couinement peu engageant et semble la couver d'un regard vorace. Vu sa position nue, figée et inconfortable, cette vision n'a rien d'engageant.

L'obscurité est quasi-totale ... seul un mince rayon de lumière provenant du plafond, qui semble trouver difficilement son chemin au travers des ténèbres ambiantes, éclaire la pièce. Chiwa tourne machinalement la tête à gauche, puis à droite ...

(Où ... où suis-je ? ...)

L'esprit encore embrumé de Chiwa est d'un seul coup réveillé par les douloureux souvenirs qui lui reviennent et qui se mettent à défiler devant ses yeux. Les bandits ... l'attaque du village ... la mort de son père ... la fosse ... le combat désespéré des enfants ... la silhouette encapuchonnée ... le corps de son frère dans ses bras ... de nouveau la tristesse envahit Chiwa. Elle réalise que, contrairement à sa famille, elle est encore en vie ... En silence, de chaudes larmes perlent au coin de ses yeux.

(Papa ... Da-chan ... pourquoi ... je ... pardon ... pardon ...)

Une soudaine pointe de douleur dérangeante provenant de son ventre la fait tressaillir.

"Aie !!"

Chiwa redresse rapidement la tête et baisse les yeux vers l'endroit d'où provient la douleur. Chose qu'elle n'avait bizarrement pas encore remarquée : elle complètement nue, ce qui explique le fait qu'elle ait aussi froid ... D'ordinaire elle serrait bien sur gênée si quelqu'un la voyait allongée comme ça, mais quelque chose d'autre occupe actuellement ses pensées ...

Juste là, sur son abdomen, se balade sans gène un gros rat gris. Ce rat a griffé et même mordu par endroit la peau de son ventre, et semble maintenant s’intéresser de près à son nombril. Le rat redresse la tête, et ses yeux et ceux de Chiwa se croisent. Chiwa n'a pas peur des rats, elle avait l'habitude d'en voir assez souvent au village, mais au vu des récents événements et de l'aspect repoussant de celui-là, elle ne peut empêcher son visage d'afficher un air anxieux et une grimace de dégoût.

"... Pchhht ! ... Va t'en ! ... Ouste !"

Le rat reprend méticuleusement sa fouille de la peau de Chiwa, ne semblant prêter aucune attention aux demandes de la jeune fille. Chiwa angoisse un peu et perd patience. Elle soulève tant bien que mal son bassin de la planche de bois, effectuant un léger mouvement de déhanché pour tenter de faire tomber le rat.

"A...Aller ! ... Descend de là !"

Chiwa s'agite du ventre pour évincer le rat de sa position mais celui-ci ne semble pas vraiment gêner par ses tentatives, et le maigre balancement de la jeune fille ne le dérange apparemment pas. Après quelques légères oscillations à droite et à gauche, il griffe à nouveau le ventre de Chiwa, avant de l'observer à nouveau de ses affreux yeux rouges et vitreux.
Le rat émet un couinement relativement aigu, avant que Chiwa n'ait la stupéfaction de l'entendre parler.

_J'ai faim. Je suis tout maigrichon et moche. Et toi tu voudrais me refuser de goûter un mets si délicieux? Si nos rôles étaient inversés, tu me piétinerais avec joie comme le font tous tes congénères non? Juste parce que mon apparence te répugne, et parce que je suis un rat. Donnes-moi juste une bonne raison de considérer que ce ne serait pas le cas, hum?

Chiwa a l'impression que la voix résonne dans sa propre tête, et le museau du rat s'agite, se "penche", ponctuant de geste la voix qui s'exprime.

_Tu es comme tous les autres. Si on t'en donne le pouvoir, tu marcherais sur les vies que vous autres considérez comme inférieures, ces vies qui ne correspondent pas aux standards que ton espèce a établi. Alors, qu'à tu as dire pour ta défense? Rien? Vais-je simplement t'ouvrir le ventre ici et maintenant, juste pour avoir le plaisir d'inverser les rôles?

En contrebas, les bruits et couinements émis par les autres congénères du rat gonflent en niveau sonore, comme s'ils répondaient de colère aux paroles que Chiwa entends longuement se répéter dans son esprit.

A nouveau, le rat paraît renifler le ventre nu de la jeune fille. Chiwa peut sentir ses petites griffes pointues sur sa peau, prêtes à frapper et à la lacérer affreusement, lentement, horriblement...

À bout de forces, et voyant que le rat ne semble pas vraiment pressé de descendre, Chiwa laisse retomber son dos contre la planche de bois. Le rat griffe de nouveau son ventre, et alors qu'elle redresse la tête pour protester contre le rongeur, elle s'arrête nette dans la stupéfaction d'entendre le rat lui adresser la parole.

Ne sachant pas quoi penser, l'esprit vide, Chiwa écoute le monologue plaintif du rat ... Intriguée, la logique de la jeune fille se retrouve bafouée par l'animal devant elle ... des dizaines de questions sans réponses apparaissent dans son esprit ... et ce n'est que lorsque le rat a fini de parler depuis plusieurs secondes que Chiwa souffle quelques mots ...

"Un ... Un rat qui parle ..."

Chiwa redescend rapidement sur terre, piquée par le nouveau coup de griffe du rat sur son ventre. Elle sursaute un peu, et contre toute attente, au lieu de prendre peur ou perdre son temps à chercher une explication logique, sa sociabilité naturelle prend le dessus. Elle redresse rapidement la tête et la secoue en signe de négation, comme pour appuyer ses propos tout en s'adressant au rat ... sa voix est assez agitée.

"Non non ! ... C'est pas du tout ce ... Euh ... ce que je voulais dire ! J'ai ... J'ai pas pour habitude de faire du mal aux animaux ... Ah! Même aux rats je veux dire ! ... J'te jure ! Je vous faisait sortir de la maison sans vous faire mal ! Mais ... et puis ... Maman me disait que j'avais une tête de bois ... alors je ne dois surement pas avoir très bon goût ! ... Et pour ton apparence répugnante ... Euh ... "

Chiwa se tait quelques secondes, semblant réfléchir aux propos qu'elle viens de tenir ...

"Ah ! Non pardon je ... Je veux dire ... Rester enfermé dans un cachot sombre sans manger ... ça donnerait à n'importe qui une apparence bizarre ... Même à moi tu sais ! ... Je suis sûre que tu serais très beau si tu pouvais sortir, profiter du soleil et manger à ta faim !"

La scène serait presque comique si on en oubliait le coté froid et lugubre de la cellule. Chiwa reprend rapidement son souffle et esquisse un sourire grimacé.

"Ma...Malheureusement je suis attachée tu vois ... je ne vais pas pouvoir t'aider toi ou tes amis à sortir d'ici ... héhé ... désolée ... "

L'ambiance de la sombre salle retourne au silence accompagné de quelques couinements de rats ... Plusieurs secondes se passent alors que la jeune fille semble attendre la réponse de son colocataire ... puis son visage se décrispe et elle laisse lentement retomber sa tête sur la planche de bois sur laquelle elle est attachée ...

( ... j'suis vraiment en train de m'excuser auprès d'un rat ? )

Les événements récents reviennent à l'esprit de Chiwa ... Elle se remémore douloureusement la mort de son père et de son frère ... et ne parvient pas à comprendre le but de toute cette mise en scène lors du massacre des enfants ... Alors ... Sentant que le rat est toujours présent sur son ventre, sans vraiment attendre de réponse, elle souffle à mi-voix les questions omniprésentes dans sa tête ...

"Nee, Nezumi-san* ... Qu'est-ce que je fais là ? ... Pourquoi je suis encore en vivante ?"

*ndt
Nezumi : Rat

Un long silence suit la question de Chiwa. Enfin la voix reprends:

_C'est évident non? Tu es vivante parce que le monde est cruel et logique. Les plus faibles y meurent, laissant aux plus forts le fardeau de continuer à vivre en supportant la douleur d'avoir été précédés par tous ceux qu'ils aimaient. Parce qu'ils sont les seuls à pouvoir le supporter. Pouvoir se relever, et un pas après l'autre, relever la tête pour vomir au destin toute la haine que nous supportons pour survivre.

La voix marqua une courte pose, comme pour laisser la jeune fille ingurgiter ses paroles, avant de continuer.


_Tu es vivante parce que tu es la dernière preuve existante que toutes les personnes que tu as connue ont foulé cette terre maudite, la preuve que leurs propres vies n'a pas été vaines. Tu es toi, et tu es le souvenir vivant de leurs existences à la fois. Et enfin...

Soudainement, alors que Chiwa à sa tête bien appuyée contre la planche de bois, un visage blafard se glisse juste à l'inverse au-dessus du sien, la prenant par surprise.
Sa peau est couverte de blanc, ses lèvres surlignés d'un rouge à lèvre mauve clair. Ses cheveux d'un noir de jais sont principalement plaqués sur le côté droit de son visage. Il a des yeux d'un gris clair cristallin. Toutefois, ce qui choque de prime abord, c'est l'absence absolue d'oreille droite -- ou plutôt de l'apparence extérieur d'une oreille droite, la cavité étant bien présente --, et la forme de son oreille gauche. En vérité, il est impossible de prétendre qu'il s'agit d'une oreille. Cela ressemble d'avantage aux fines racines d'un arbuste qui se seraient enroulées sur elles-mêmes pour former un cercle, avant de s'élancer un peu plus loin dans le vide. Au moment où la voix reprends, Chiwa peut également apercevoir de nombreuses canines à la place des dents qu'auraient une personne normale, disposées de manière presque aléatoire et désordonnée.


_Tu es vivante parce que tu as été touchée par le destin, et choisie pour survivre.

Un couinement aigu se fait à nouveau entendre dans la cellule. Chiwa peut sentir que le poids sur son ventre à disparu. Le visage qui vient de se découvrir à elle se retire en même temps que la silhouette de l'homme se redresse. Il tient le rat qui était sur le ventre de Chiwa à pleine main droite, et le rongeur paraît se débattre comme il peut pour s'échapper de cette étreinte, jusqu'à essayer de mordre entre le pouce et l'index. L'homme ne semble pas réagir outre mesure à la morsure, et pose un regard triste et résigné sur la bête, qu'il porte le plus haut possible dans les airs tout en continuant de la regarder. Et pour cause: son bras droit est entièrement recouvert d'une sorte d'armure souple noire qui se termine par de longues griffes également souples rappelant cruellement l'oreille gauche de l'individu.


_Le monde est cruel petit être, et le destin un fieffé psychopathe. Si tu ne t'étais pas trouvé là aujourd'hui, peut-être aurais-tu vécu un jour de plus, qui sait? Si tu ne t'étais pas attaqué au ventre de ma protégée, peut-être aurais-tu eu la vie sauve?

L'homme, sans bouger la tête, tourne son regard en coin sur Chiwa pour croiser ses yeux avec les siens.


_Mais j'y pense, pourquoi ne pas nous jouer du destin pour cette fois, et laisser la jeune fille décidée? Qu'en dis-tu mon vil animal que la nature n'a pas gâté?

Le rat n'émettant que des petits cris désespérés, l'homme paraît prendre ça pour un oui, et se tourne tout à fait vers Chiwa.
Il est grand, très grand, alors que même de sa position, Chiwa peut voir qu'il se tient d'une manière étrange, ses jambes repliées sur ses genoux, comme s'il était assis sur un siège invisible. Presque comme un gorille en fait.
Il porte un étrange costume gris dont la manche gauche est parfaitement noir. De la fourrure, comme une queue d'animal s'extrait de sous sa veste sur son flanc gauche, et une énorme amulette décoré de pics sur son pourtour trône sur son torse. De sa position, Chiwa ne peut pour le moment pas constaté que le bas de son costume est tout à fait non uniforme, ressemblant à un pantalon confectionné à partir de deux pans provenant eux-mêmes de pantalon différents.



Nonchalamment, l'homme porte le rat devant le visage de Chiwa, qui peut sentir les moustaches de l'animal lui chatouiller la peau, et constater la peur du rongeur.


_Que dis-tu, Hime no nezumi sama? Laisseras-tu la vie à celui qui aurait pris la tienne pour se repaître et survivre une journée de plus? La souffrance et la haine du cruel destin qui vient de te frapper ont-elles déjà eu raison de la bonté et de l'espoir de ton coeur? Que dis-tu, hime-sama? La main qui étreint cette frêle existence attends que tu rendes ton jugement!

L'individu ponctue sa tirade en effectuant une courte révérence, le torse légèrement penché en avant, son bras gauche replié au-dessous comme le ferait un serviteur portant une serviette sur l'avant-bras et saluant le maître de maison.

Sans relever la tête, Chiwa écoute patiemment l'étrange réponse du rat sans réussir à en saisir toutes les subtilités.

"Le monde est cruel ... les plus faibles y meurent ... se relever pour haïr le destin ... Tu es la preuve vivante que les personnes que tu as connues ont existé ..."

"Leurs vies n'ont pas été vaines."

Chiwa ne sait pas trop quoi penser, ces explications semblent se vouloir à la fois rassurantes et effrayantes. Mais alors qu'elle allait poser une autre question au rat, le visage d'un homme apparaît juste au dessus de sa tête. Premièrement surprise, et ensuite effrayée par l'aspect étrange des traits de cet homme, Chiwa ne peut s’empêcher de laisser échapper un cri apeuré.

"Hiii !!"

L'homme ne semble pas vraiment réagir à la peur manifeste de Chiwa et termine la phrase laissée en suspens par le rat ... d'une même voix.

( Qui ... ils ont la même voix ... C'était lui ? ... )

Perdue dans ses pensées le temps d'une seconde, Chiwa se rappelle soudainement qu'elle est allongée sur une table en bois, nue, et qu'un homme inconnu la regarde. Elle sent d'un seul coup son visage devenir rouge de honte, et son corps réagit par réflexe en essayant de se recroqueviller par pudeur ... mais la violente douleur infligée par les anneaux retenant ses poignets et ses chevilles lui font amèrement regretter d'avoir tenté ce mouvement. Émettant un râle de douleur, respirant bruyamment, ses yeux croisent de nouveau ceux de l'homme penché sur elle, qui semble apparemment garder tout son calme, et fixer le visage rougit de Chiwa.

L'homme se redresse, tenant fermement dans sa main le rat qui avait élu domicile sur le ventre de Chiwa ... celui-ci ne semble d'ailleurs pas très enchanté de sa position et se débat vigoureusement. Désignant Chiwa comme "sa protégée", l'homme annonce au rat qu'il ne compte pas l'épargner pour avoir fait souffrir la jeune fille.

"Ah ... Ne...Nezumi-san ..."

Entendant Chiwa réagir, les yeux de l'homme se tournent en coin vers elle ... Après quelques élucubrations, il porte le rat à quelques centimètres du visage de Chiwa, et lui demande de choisir le sort qui va lui être réservé. Après quoi l'homme effectue une courte révérence, attendant la réponse de la jeune fille ...

Chiwa reste quelques secondes à observer l'homme tenant la révérence devant elle avant de répondre. Quel étrange personnage ... même si ses manières et ses dires semblent refléter un tempérament sage et respectueux envers elle, cet homme a quelque chose d'effrayant ... bien plus effrayant que son apparence ne le laisserait entendre ...

"J...Je ... "

Chiwa est effrayée ... Est-ce sage de croire que cette personne va bel et bien l'écouter ? ... Ne va t'il pas se mettre en colère si la jeune fille essaye de le contrarier ? ... Rassemblant les derniers petits morceaux de courage qu'il reste en elle, Chiwa reprend la parole un peu nerveuse en évitant pour le moment de lever les yeux vers cet homme ...

"A...Ano ... Il y a un dicton ... dans le pays de mon père adoptif ... Insaeng-eun chugbog-ida* ... La vie est une bénédiction ... Alors ... alors ..."

Relevant les yeux vers son geôlier, le ton de la voix de Chiwa monte un peu, et se fait légèrement suppliante.

"Il... Il n'a rien fait ... Il ne faut pas... Il ne faut pas lui en vouloir ... Ne lui faites pas de mal ... S'il vous plaît ..."

*ndt
*Insaeng-eun chugbog-ida. (인생은 축복이다.) : Dicton Coréen, "La vie est une bénédiction"

Tout en gardant le visage baissé, l'homme répète les paroles de Chiwa avec une certaine douceur, comme pour s'en imprégner.

_Insaeng-eun chugbog-ida... La vie est une bénédiction...


Il se redresse et regarde à nouveau le rat plusieurs secondes, détaillant l'apparence hideuse de l'animal, aussi hideuse que la sienne, avant de tourner son regard vers Chiwa.

_Mon apparence ne sera jamais assez horrible pour égaler la laideur de ce monde. Comment peut-on faire tomber un cœur aussi pur que le tien dans un endroit aussi noir sans une once de remords?

L'individu contourne la table de torture où est allongée Chiwa, et s'affaisse jusqu'au sol pour libérer délicatement le rat qui s'empresse de rejoindre ses compagnons.

_Vas-t-en compagnon de laideur, et profites de la chance qui vient de t'être offerte...

En silence, l'homme se relève de toute sa hauteur cette fois. Il demeure impassible un moment, à regarder le groupe de rats couiner et contre toute attente, se rapprocher de ses pieds à un petit mètre de distance.
Maintenant qu'il s'est totalement dressé sur ses jambes, Chiwa peut constater à quel point l'homme est immense, et difforme. A vue de nez, la jeune fille peut estimer le plafond de la salle à 3 bons mètres. Cet homme l'atteint presque, à une quarantaine de centimètres prêt.

Après son long silence, l'homme lance un regard en coin à Chiwa, encore attachée à sa planche. Il ne semble pas y avoir de haine ou de colère dans ses yeux, néanmoins, la jeune fille peut percevoir comme un léger changement de comportement, comme ce petit quelque chose sur lequel elle ne parvenait pas à mettre un nom un peu plus tôt, mais qu'elle sentait derrière le calme et le respect de l'homme envers elle.


_Trop pur... bien trop pur. Tu seras brisée bien trop tôt, et ta mort sera rapide... Je ne peux le permettre.

Le ton de l'homme se fait plus dur à mesure que les mots sortent de sa bouche. Non par animosité, mais plus pour ce qui est entrain de se produire.
En effet, Chiwa peut voir le bras droit de l'individu trembler imperceptiblement, se contracter puis grossir de manière disproportionnée. Le corps de la jeune fille perçoit comme une onde de force s'élancer dans la pièce durant le processus. Ses cheveux se sont très légèrement agités à son passage, et un frisson s'élance le long de sa colonne.
Lorsque l'homme lève enfin sa main sur le côté, prête à s'abattre, son membre ressemble d'avantage à l'horrible patte d'une créature cauchemardesque plutôt qu'au bras d'un quelconque humain. S'il n'y avait cette armure noire et souple pour dissimuler sa peau, Chiwa est certaine qu'elle pourrait voir d'innombrables veines palpiter à la surface de sa peau, comme autant de serpent s'agitant sous l'extase de la puissance qui parcourt le bras.

_Première leçon...

L'énorme patte griffue de l'homme s’abat soudainement sur le groupe de rats à ses pieds. La force du coup est telle que la cellule entière se mets à trembler, et des sillons creusent le sol et les murs, partant du mini cratère qui s'est formé à l'endroit de l'impact. L'onde de choc vrille presque les tympans à Chiwa. La planche sur laquelle elle est attachée vibre affreusement jusqu'à s'effriter en morceau sur ses extrémités, et les liens à un de ses poignets d'une part, à une de ses chevilles d'autres part, se brisent. Des gerbes de sang se soulèvent dans la pièce, ainsi que les corps déchiquetés de plusieurs rats. La patte griffue se saisit de ses morceaux de viande volant, se refermant dessus. Puis tout aussi violemment, sans que l'homme ne bouge de sa position, il écrase sur le mur derrière lui ce qui se reste dans sa paume, créant un autre cratère, dans le mur cette fois. Le second impact se répands dans la pièce tout aussi puissamment que le premier, et l'assise de bois sur laquelle se trouve la planche de torture ni résiste pas. Chiwa sent la planche se fissurer, son poteau de maintien se briser, et reçoit le choc entre la planche et le sol de plein fouet.

Il faut bien une à deux bonnes minutes pour qu'un semblant de calme paraisse revenir dans la cellule qui ressemble désormais à un champ de bataille. Le bras de l'homme reprends petit à petit une taille "normale", et dans le cratère au mur dégouline un mélange assez répugnant de sang, d'organes écrabouillés et d'os méconnaissables. Chiwa a reçu de nombreuses éclaboussures de sang.

L'homme fixe intensément Chiwa, demeurant d'un calme dérangeant.

_Lorsque tu sauves une vie, c'est toujours au détriment d'une autre. Tel est l'équilibre du monde.

Dans le cratère au sol, un léger couinement retentit. Lentement, le dernier rat encore en vie s'extirpe de ce trou béant. Sans qu'elle est besoin de l'examiner avec soin, Chiwa sait qu'il s'agit du rat qu'elle avait demandé d'épargner. Après un bref examen de son environnement, l'animal s'enfuit sans demander son reste à travers les barreaux de la cellule.

L'homme quitte sa position pour se placer à côté de Chiwa, accroupi, et tends son membre noir vers les liens qui maintiennent encore la dernière cheville et le dernier poignet de la jeune fille.

_Tu dois endurcir ton coeur, Hime-sama, pour préserver sa pureté. Sans quoi, tu te feras dévorer.

L'individu semble attendre que Chiwa se relève enfin, se tenant dans une position presque de soumission vis à vis d'elle. Lorsqu’enfin elle se remets sur ses pieds, il tends son bras gauche sur le côté, dans la main duquel se trouve un vêtement légèrement beige, une sorte de robe de combat à en juger par l'aspect. Il la présente finalement à Chiwa pour qu'elle la prenne, son visage baissé vers le sol comme par pudeur.


_Je suis Abe Nowaki. Je suis la bête. Je t'ai choisi par ce que ton attitude, tes mots et ton courage ont touché mon ignoble coeur de monstre. Si tu me choisis à ton tour, je serais ton guide, ton gardien, et ton plus fidèle ami. Je te formerais et je t'enseignerais, pour que les lois de ce monde soient tes lois, et que plus jamais tu n'ait à regarder disparaître ce qui t'es cher.

Nowaki laisse planer plusieurs secondes avant de poursuivre.

_Hime-sama, comme pour le rat, la décision est tienne -- Nowaki redresse enfin la tête vers Chiwa --je suis la bête, seras-tu la belle?

( ... Il ... m'a écouté ?)

Chiwa observe en silence l'homme contourner lentement la table sur laquelle elle est allongée, et ressent un léger soulagement lorsqu'elle voit celui-ci poser un genou à terre pour libérer le rat. Le soulagement de la jeune fille est pourtant de courte durée ... Du fait de sa petite taille, elle a l'habitude de devoir lever les yeux pour s'adresser aux gens, mais la hauteur à laquelle se retrouve cet homme, ou plutôt de ce colosse, lorsqu'il se redresse, dépasse l'entendement et lui donne presque le vertige.

Lorsqu'il tourne de nouveau les yeux vers Chiwa, c'est pour lui adresser un regard noir. Elle croit y apercevoir de la colère, de la haine, de l'exaspération ...

( ... Il est en colère ... je l'ai mis en colère ... )

Ses pensées sont interrompues lorsqu'elle entrevoit des sentiments moins agressifs et plus protecteurs dans les yeux du colosse ... De la pitié ? ... De l'appréhension ... Il lui semble même percevoir de l'inquiétude ... Sa colère n'est peut-être pas vraiment dirigée contre elle ? ... Lorsqu'il reprend la parole, Chiwa entends au son de sa voix et à ses paroles que le second raisonnement semble être le plus plausible.

"Trop pure ... Bien trop pure. Tu sera brisée bien trop tôt, et ta mort sera rapide ..."

"Je ne peux le permettre."

Sous ses yeux ébahis, le bras droit de cet homme s'agite et se transforme lentement en quelque chose d'inhumain, quelque chose ressemblant à la patte d'une créature sortie tout droit des Enfers. D'un mouvement rapide, le colosse lève cette monstruosité lui servant de bras au dessus de sa tête ...

"Première leçon..."

Le regard de Chiwa, qui suivait l'énorme bras, descends vers le groupe de rats, puis remonte rapidement et s'arrête sur le visage du colosse.

"ARRÊTEZ !!"

Le bras s'abat lourdement sur le sol, là où se trouve le groupe de rat. Toute la pièce tremble et s'ébranle à un point tel que Chiwa a l'impression que le plafond pourrait se décrocher et lui tomber dessus à tout moment. Mais à défaut du plafond, ce sont deux des liens qui la retiennent prisonnière sur la table qui se décrochent. Alors que des gouttelettes de sang parviennent à son visage déjà transi par la peur, Chiwa voit l'homme attraper de sa main bestiale plusieurs rats au vol et les écraser violemment contre le mur. De nouveau, la pièce est agitée par un fracas assourdissant et l'impact du coup sur la paroi fait trembler encore une fois les murs et le sol. Chiwa pousse un cri strident alors qu'elle sent la table sur laquelle elle repose se dérober dans son dos.

"Aaaaah !!!"

Le choc reçu lorsque la planche touche le sol la sonne quelques secondes, et lorsqu'elle reprend ses esprits, elle est à moitié avachie sur le sol, son pied droit retenu par la dernière attache encore valide de la table de torture. L'homme se tient toujours au même endroit, son bras droit a repris sa forme initiale.

"Lorsque tu sauves une vie, c'est toujours au détriment d'une autre. Tel est l'équilibre du monde."

Chiwa se fait peut-être des idées, mais il lui semble bien que la voix de l'homme laisse entrevoir un sentiment de tristesse. La tête de la jeune fille repose toujours sur le sol, et elle a l'impression qu'il lui faudrait faire des efforts considérables pour se relever. Elle aperçoit un rat filer entre les jambes de l'homme et disparaître dans l'encadrement de la porte de la cellule ... le colosse a épargné le rat qu'elle avait choisit, mais pas les autres ...

L'homme s'approche de Chiwa et libère sa cheville retenue prisonnière par le dernier lien encore valide de la planche de bois. Elle tombe à plat ventre sur le sol et redresse légèrement son visage en s'aidant de son bras.

"Tu dois endurcir ton cœur, Hime-sama, pour préserver sa pureté. Sans quoi, tu te feras dévorer."

A entendre cet homme l'appeler "Princesse", Chiwa tourne le visage vers lui, et remarque que son regard est porté vers le sol, comme par pudeur, et qu'il lui tend une robe. Elle tend son bras et se saisit rapidement de la robe, reculant et s'asseyant sur le sol, dos contre la planche de bois qui lui servait de pénitence il y a encore quelques minutes. Elle serre contre son corps nu la robe pour s'en servir de couverture.

"Je suis Abe Nowaki. Je suis la bête. Je t'ai choisi par ce que ton attitude, tes mots et ton courage ont touché mon ignoble cœur de monstre. Si tu me choisis à ton tour, je serais ton guide, ton gardien, et ton plus fidèle ami. Je te formerais et je t'enseignerais, pour que les lois de ce monde soient tes lois, et que plus jamais tu n'ait à regarder disparaître ce qui t'es cher."

" ...je suis la bête, seras-tu la belle?"

Un temps interminable s'écoule alors que la peur ne quitte pas le visage et l'esprit de Chiwa, qui continue d'observer cet homme. Lorsque enfin elle réagit, c'est pour baisser la tête vers le sol, serrer les dents et se mettre à sangloter. Quelques minutes se passent encore avant qu'elle ne daigne se mettre à parler ...

" ... Snif ... Pourquoi ... ... ... C'est faux ... "

Elle redresse la tête vers Nowaki, imperturbable, qui semble toujours attendre une réponse, son bras resté tendu dans la direction de la jeune fille. De grosses larmes coulent sur les joues de Chiwa, qui plonge son regard dans celui du colosse se tenant devant elle, essayant tant bien que mal de comprendre les actions et les dires de ce Nowaki, serrant contre elle encore plus fort la robe qu'il lui a donné ...

" ... Ils n'ont pas mérité ça ... Même si ils sont faibles ... Snif ... Vous n'aviez pas le droit ... de faire ça ... "

Chiwa frotte ses yeux du revers de sa main, essayant d'en essuyer les larmes. Nowaki n'a pas bougé d'un millimètre, écoutant patiemment sa "Princesse".

" ... C'est faux ... Snif ... sacrifier une vie pour une autre ... ... alors ... où sont les vies sauvées par la mort ... des enfants de la fosse ? ... ... Comment pouvez-vous prétendre ... Snif ... que leurs vies n'ont pas été vaines ... ... puisqu'au final ça n'a rien changé ... "

Elle laisse échapper un sanglot beaucoup plus bruyant que les précédents ... et son regard se perd à ses pieds ...

" ... Onii-chan ... "

Elle aussi, pour tenter de sauver la vie de son frère, a du tuer des enfants innocents, pour qu'au final Dae-Ho finisse tout de même par mourir à cause d'elle.

" Onii-chan est mort ... à cause de moi ... ... à cause de cette femme avec la capuche ... "

Cherchant des réponses quant à son sort et celui de son frère, Chiwa lève de nouveau les yeux vers Nowaki, qui, telle une statue de pierre, ne semble toujours pas disposé à bouger ...

" ... Pourquoi ... Qui êtes vous ? ... Pourquoi nous avoir fait subir tout ça ? ... "

Nowaki continua de regarder fixement Chiwa un moment, et rabaissa finalement son bras. Toujours à genoux, il se rapprocha d'avantage d'elle et tendit à nouveau son bras jusqu'à amener sa main vers le visage de la jeune fille. Délicatement, il passa un mouchoir en tissu blanc sur ses yeux rougis pour essuyer ses larmes.

_Le monde est bien plus cruel que tu sembles le penser, Hime-sama. La fosse n'a servi qu'à forcer la sélection naturelle qui se fait sur le long terme en temps normal. La plupart des enfants qui étaient là-bas avaient déjà tué pour la plupart. Avec ou sans raison. D'autres volaient tous les jours pour survivre, sans distinction des personnes qu'ils volaient, et s'en se préoccuper de savoir si ceux qu'ils privaient de nourriture en auraient encore derrière pour vivre à leur tour. Certains autres encore... -- Nowaki marqua une courte pause dans son récit, comme s'il était encore plus dégoûté de ses prochains mots -- ... ont violé et pillé, ou malgré leur jeune âge ont participé activement à la traite d'esclave.

Nowaki s'assit en tailleur face à Chiwa, comme s'il se doutait que la discussion risquait de prendre un petit moment. Même assis ainsi, il la surplombait totalement et il aurait fallu deux presque trois Chiwa debout de toute sa hauteur pour espérer le dépasser.

_A un moment de leur vie, ils ont eu à faire un choix. Quelque fut leur existence, ils ont eu le choix à un instant donné. Le choix de plonger dans les ténèbres, ou d'essayer de ramper désespérément vers la lumière.

Le géant marqua une courte pause pour essuyer une autre larme sur la joue de Chiwa. A chacun de ses mots, la jeune fille peut entrapercevoir son effroyable dentition au-delà de ses lèvres.

_Toi-même et ton ami, nous vous avons récupéré alors qu'un groupuscule comptait vous emmener pour vous vendre comme du bétail au plus offrant. Certains des enfants qui étaient dans la fosse faisaient parti de ceux qui allaient vous vendre. Nous ne savions, et nous ne savons toujours pas d'où vous venez, qui vous êtes. Pour autant qu'on le sache, vous pouvez aussi bien être pire que ceux qui vous détenez.

Nowaki prononça les derniers mots précédents sans aucune conviction, trahissant visiblement sa pensée qu'il était parfaitement impossible que la jeune fille devant lui puisse être un être vil, sale et dépravé. Il pencha légèrement la tête sur le côté, l'air plus sombre et le ton quelque peu plus dur.

_Alors tous, nous vous avons soumis à la fosse. La fosse est là pour juger et donner une dernière chance. Ne te méprends pas, Hime-sama. Je suis un monstre, et je vis dans un repaire de monstres. Tous, à notre échelle, nous portons la croix de nos propres péchés. Nous sommes le mal nécessaire. Nous sommes l'ombre qui veille et qui purifie.

Tout en parlant, Nowaki mit son bras en évidence devant Chiwa pour appuyer ses propos et lui rappeler ce qu'elle venait de voir un instant plus tôt.

_Les vies équivalentes à celles des enfants morts dans la fosse sont toutes celles qu'ils ne tueront pas, qu'ils ne violeront pas, qu'ils ne réduiront pas en esclavage, ne condamnerons pas à la famine en volant aveuglément. Et plus que tout...

Nowaki pointa un doigt vers Chiwa et appuya brièvement sur le bout du nez de Chiwa.

_Ta vie est la vie la plus concrète qui a été sauvée par leurs morts. Tu as des remords sur ce qui s'est passé dans la fosse? A propos de ceux que tu as tué? Eux n'en auraient pas eu. Ils auraient foulé ton corps avec un sourire sur les lèvres. Crois moi, j'ai vu se répéter ce schéma un nombre incalculable de fois.

Nowaki rapprocha son visage tout prêt de celui de Chiwa, transperçant son regard du sien. Il énonça d'une voix étrange, emprunte de tristesse et d'abdication devant l'ordre des choses d'un côté, et de conviction presque de foi de l'autre.

_Les faibles meurent. Les forts vivent et dictent leurs volontés. Telle est la vérité de ce monde. Ton ami est mort parce que tu étais faible et que tu as cru pouvoir t'opposer au fort. Lui et toi avez été capturé par des esclavagistes parce que vous étiez faibles et que vous n'avez pas su protéger ce qui était autour de vous. Tu peux retourner le problème dans ta tête autant de fois que tu le voudras, Hime-sama, mais telle est la cruelle vérité que tu vas devoir porter sur tes épaules pour le restant de ta vie.

La tête du géant se recula avant de s'abaisser vers le sol et une moue de tristesse s'afficha sur son visage.

_Tu peux pleurer, hurler ou faire ce que tu veux. La vérité est là. Cruelle. Implacable. Inexorable. 

Nowaki repoussa légèrement ses cheveux sur la droite de son crâne pour laisser apercevoir la cavité de son oreille, sans l'oreille qui l'accompagne en temps normal. Il montra son autre "oreille" à Chiwa ensuite, et fit de même avec toutes les difformités de son corps, les plus visibles du moins.

_J'ai eu beau pleurer et maudire le monde toutes les premières années de ma vie, j'ai eu beau hurler aux dieux qui n'existent pas, et j'ai eu beau aboyer contre ceux qui me rabaisser en permanence, je ne suis pas devenu beau pour autant, Hime-sama. Telle est la vérité. Je suis laid. Difforme. Je suis un monstre. Aujourd'hui, je suis fort.
Je peux influencer ce qui se passe autour de moi. Mais je ne serais jamais un exemple de pureté comme tu peux l'être. Je resterais toujours moi, un monstre qui vit dans l'ombre. Il faut parfois savoir accepter que certaines choses ne peuvent changer, ou être sauvées.

Nowaki s'arrêta encore une fois de parler un bref instant, et soupira longuement avant de reprendre.

_Celui qui n'est pas prêt à sacrifier quoique ce soit est incapable de changer quoique ce soit. Hime-sama, tu as besoin de force pour supporter ta pureté. Tu as besoin d'abandonner une partie de toi pour en faire une force intraitable. Tu es la réponse que je ne serais jamais à toute cette folie. Pour l'instant, tu n'es qu'une lumière vacillante dans un océan de noirceur. Si tu restes ainsi, tu seras soufflée. La question est: que veux-tu vraiment?

" ... "

Lorsque Nowaki tend son bras vers le visage de Chiwa, celle-ci a d'abord un mouvement de recul avant de se rendre compte qu'il tient dans sa main un mouchoir. Contre toute attente, il semble faire preuve d'une grande délicatesse, et un peu à contre cœur, la jeune fille le laisse essuyer ses larmes.

Chiwa tente de balbutier un Merci, mais la peur et l'animosité qu'elle éprouve encore pour ce Nowaki l’empêchent de prononcer ce mot qu'elle a pourtant l'habitude d'utiliser si souvent ... Le colosse s’assoit alors en tailleur sur le sol devant elle, et commence à répondre calmement aux questions de Chiwa, tout en tentant de lui expliquer les raisons pour lesquelles elle est arrivée ici et les motifs qui lui ont valu d'être encore en vie.

Plusieurs minutes s'égrainent alors que Chiwa écoute le long récit de Nowaki, se voulant par moments encourageant, et l'instant d'après horriblement triste. Obtenant enfin des informations quant à sa situation, Chiwa écoute avec attention, elle ne réagit même pas lorsque Nowaki essuie une deuxième fois ses larmes, ou lorsqu'il touche le bout de son nez pour la désigner comme le sujet de son explication.

Comme précédemment, son discours se termine sur une question à l'attention de Chiwa : "Que veux-tu vraiment ?"

Même si le discours de Nowaki est sensiblement plus froid et implacable, certains passages sonnent et résonnent dans la tête de Chiwa, lui rappelant la façon dont Gan Dae-Hyung, son père adoptif, avait fait sortir la fillette de sa morosité et de sa tristesse lorsque ses parents avaient péris dans l'incendie ...

Encore ébahie après les dures explications de Nowaki, son rêve, qui lui parait désormais si lointain, lui revient en tête ... notamment la souris blanche qui avait, le temps d'un instant, emprunté la voix et l'expression de Gan Dae-Hyung ... (Il faut vivre pour le futur.)

Ses yeux toujours perdus quelque part dans ceux de Nowaki, et à demi mot, elle souffle ...

" ... aller de l'avant ... "

Chiwa redescend sur Terre après quelques secondes, elle a prononcé ces mots sans vraiment le vouloir, sans réfléchir, juste comme ça, par réflexe. Elle baisse les yeux pour ne pas avoir à soutenir le regard de Nowaki.

" Sō... Sōka ... Ce n'était pas vous ... pour le village ... "

Presque une minute entière se passe silencieusement alors que Chiwa réfléchis à sa situation ... Cet homme lui parle de différence entre les forts et les faibles, de sélection naturelle, et de la cruauté du monde qui les entoures ... Mais Chiwa n'est pas forte ... Elle est persuadée après la démonstration de Nowaki qu'il pourrait la briser en un simple mouvement. En repensant à la fosse, elle ne comprend pas quelle folie lui a pris lorsqu'elle a tenté de tenir tête à la silhouette qui servait d'arbitre à ce combat absurde ...

" Je ... Je ne sais pas ... ... Pourquoi même essayer ? ... Toute ma famille est ... est ... ... Je suis ... toute seule ... "

L'air fébrile, les yeux encore rougis par ses récentes larmes et emplis de sa tristesse, elle relève la tête vers le visage de Nowaki.

" ... Je ne suis pas forte ... Je ne suis pas Hime-sama ... Je suis juste ... toute seule ... ... Je n'ai pas pu les protéger ... "

La gorge nouée, ravalant sa salive pour éviter que sa voix ne soit trop cassée par ses sentiments, elle prononce cette phrase dont la dure réalité la ferrait presque fondre de nouveau en larmes ...

" ... Je n'ai plus personne ... Je n'ai plus ... d'endroit ou rentrer ... "

Baissant de nouveau le visage vers le sol, quelques longues minutes passent pendant lesquelles seul le silence règne ... elle effectue enfin un léger hochement de tête accompagné d'un petit "Hmm" pouvant ressembler à un acquiescement.

" Je ... Je n'aime pas ça ... Cette réalité ... Je ne l'aime pas ... Nowaki-san ... Mais je n'ai pas le choix ... ... Même si je ne veux pas l'accepter ... ... Je n'ai pas le choix ... pas vrai ? "

Une profonde tristesse qui fait écho à celle de Chiwa s'affiche sur le visage de Nowaki, avant que celui-ci n'ait un mouvement de négation de la tête.


_Tu n'as pas le choix sur ce qui est passé. Ta réalité t'enserre de sa poigne indéfectible. Peu importe tes larmes, cette vérité te rattrapera.

Le colosse plaça son poing devant lui et le referma en serrant si fort ses doigts les uns contre les autres que Chiwa entendit les os craquer légèrement.

_En revanche, Hime-sama, tu as le choix de tes actes futurs. Tu peux agir sur le court du destin. Tu as la capacité de te relever, de façonner ce qui t'entoure, "d'aller de l'avant"! Je le sais. Tu as montré cette volonté dans la fosse. Il ne tient qu'à toi de travailler dur pour obtenir le pouvoir d'influer sur tout ce que ton regard peut embrasser. Qui plus est...

Nowaki se replaça en position accroupi, surplombant à nouveau la jeune fille. Sa mâchoire se contracta alors qu'il serrait affreusement ses dents supérieures et inférieures les unes contre les autres, comme un animal qui grogne. Une colère contrôlée défigurait son visage, et ses yeux restaient fermement clos en cet instant.

_Je ne peux pas te laisser dire que tu n'as pas d'endroit où retourner. Et encore moins te laisser t’apitoyer comme ça. Pleurer est une chose. Se morfondre en est une autre. Ne pas essayer? Être toute seule? --le ton de Nowaki se fit plus pressent, plus puissant et la force et le ton roque de sa voix donnaient l'impression que les murs de la cellule allaient reculer devant elle-- ceux que tu aimais et qui ne sont plus physiquement avec toi sont toujours là! En toi, dans tes souvenirs et dans ton coeur! Dans chacune de tes décisions futures! Dans chacun de tes gestes! Abandonner avant même d'avoir commencer serait une insulte cruelle que tu leur jetterais au visage Hime-sama! Cela reviendrait à dire qu'ils n'ont pas existé. Que leurs vies ne t'ont rien apporté! De plus... de plus, tu n'as pas le droit d'abandonner, pas alors que...

Nowaki rouvrit ses yeux brusquement et son regard se fixa dans celui de Chiwa avec intensité. La jeune fille pouvait y voir sa force de conviction, sa rage de vivre et sa volonté d'agir. Le colosse la dévora un long moment des yeux, la mâchoire toujours tremblante.

Chiwa vit soudainement la main noire du colosse arriver sur elle. Elle n'eut qu'une fraction de seconde pour se rendre compte qu'il lui avait attrapé le poignet. Avec une facilité déconcertante, comme si elle n'avait aucun poids, Nowaki la souleva de terre en la tirant assez brusquement vers lui. Dans le même mouvement, il plaça la jeune fille sur son dos comme il aurait placé un petit enfant pour le transporter, et mit le bras de Chiwa qu'il tenait encore, autour de son propre cou.


_Très bien... puisque c'est comme ça...

Aussi brusquement qu'il avait amener Chiwa vers lui, Nowaki se retourna et se rua en dehors de la cellule, tournant à gauche en laissant une trace de plusieurs centimètres dans les dalles de pierre avec son pied, preuve de l'accélération qu'il venait de prendre. Il emprunta un très long couloir dont les murs défilèrent autour de Chiwa à une vitesse assez effrayante. Une porte de bois se rapprocha dangereusement en face d'eux et à mesure que la distance se réduisait, elle apparut toujours plus massive, épaisse et incroyablement solide. Nowaki pourtant ne ralentissait pas et bientôt il fut clair dans l'esprit de Chiwa que la collision était impossible à éviter. Lorsqu'ils l'atteignirent, Nowaki ne fit pas de détail et fracassa purement et simplement l'ouverture sur son passage, délogeant l'énorme porte d'un de ses gongs sur le coup et ne ralentissant qu'à peine.
Le colosse poursuivit à une vitesse faramineuse, empruntant divers couloirs et escaliers. Il courait avec la démarche d'une bête sauvage qui fond sur une proie, n'était le "paquet" qu'il avant dans le dos, et dont il tenait l'avant-bras qu'il avait placé autour de son propre cou. C'était comme-ci Chiwa avait été mise sur un rail et était transportée telle une marchandise. Nowaki devait connaître les dédales qu'il empruntait à la perfection à en juger par la dextérité et la rapidité dont il faisait preuve. Chiwa ne pouvait pas même noter les embranchements pris. Tout allait si vite. Sa chevelure battait follement dans les airs à chaque intersection. Il lui était presque difficile d'ouvrir les yeux à cause du vent qui lui fouettait le visage, du à l'accélération de Nowaki, et les mouvements violent et puissant du colosse pouvait presque lui donner le mal de mer. Il y eut encore quelques tournants assez abruptes, puis une dernière porte avec laquelle Nowaki ne s'embarrassa pas, l'ouvrant d'un coup de pied bien senti avant de se stopper net dans la pièce où il venait de pénétrer.

_Regardes par toi-même! Regardes et dis moi encore que ça ne sert même à rien d'essayer?! Oses redire que tu n'as nul part où rentrer! Oses seulement trahir le combat qu'il mène pour survivre!

Nowaki retira Chiwa de son cou pour la reposer au sol et s'écarta pour ne pas lui obstruer la vue, retrouvant son calme habituel dans son attitude et ses paroles. Il s'agenouilla en baissant la tête, gêné sans doute de son emportement à l’égard de Chiwa, et lui tendit la robe qu'il avait rattrapé au vol lors de son départ précipité dans sa course folle.

_Hime-sama, s'il te faut une preuve de volonté et de combativité, alors contemples de tes yeux, et comprends ce que signifies réellement "aller de l'avant".

Dans la pièce où Nowaki vient d'emmener Chiwa trône contre les murs des tables couvertes de fioles, d'ustensiles de médecine, de plantes, de choses que Chiwa n'a sans doute jamais vu, et d'étranges cristaux bleus sombres.
Plus important, au centre de la pièce se tient une cuve ouverte sur le dessus, remplit d'une eau agitée par quelques remous, et dans laquelle repose un corps parfaitement entouré d'innombrables cristaux bleus luisant d'une douce aura. Leur couleur est bien plus clair que ceux posaient sur les tables alentours mais il n'y a aucun doute qu'il s'agisse des mêmes cristaux. Toutefois, ceux de la cuve ont l'air chargé de quelques choses, d'où l'étrange et apaisante lueur qui s'en dégage.
La cuve fait une soixantaine de centimètre de profondeur, et le corps qui y dort a sa poitrine qui se soulève faiblement mais à un rythme régulier. Un dispositif dont l’extrémité vient se fixer hors de l'eau et sur la vitre transparente de la cuve à était placé sur la bouche du garçon qui repose ici, lui permettant d'être alimenté en oxygène.

Ses yeux sont clos et hormis sa respiration, le garçon ne donne aucun signe de vie particulier. Son corps est marqué d'affreuses blessures: une lourde taillade en diagonale sur son torse, ainsi que deux entailles importantes résiduelles du passage d'une lame qui aurait transpercé l'organisme de part en part. Les cristaux épousent la forme de son corps et sont tout à fait collés à sa peau.

Dae-Ho gît ainsi, immergé et partiellement enfermé dans un cercueil de cristal, s'offrant au regard de Chiwa.

De l'autre côté de la cuve se tient une jeune fille au long cheveux noir et à l'expression figée, qui n'a pas même esquisser un geste ou une parole à l'irruption tonitruante de Chiwa et Nowaki. Elle a dans une main semble-t-il des notes, et dans l'autre un cristal bleu sombre de taille moyenne, la paume de sa main tout au plus. Impassible, elle paraît attendre la suite des événements.

Lentement, le torse de Dae-Ho se soulève, et s'affaisse... se soulève, et s'affaisse, et chaque battement de son coeur est tel un cri de victoire qu'il pousse à l'encontre du destin, un pas de plus dans son combat pour survivre... et aller de l'avant.

Nowaki confirme les mots de Chiwa quant à la dure réalité de sa situation, cependant il ne semble pas prêt à accepter le fait que la jeune fille s'apitoie sur son sort. Alors qu'il se redresse en position accroupi, sa stature imposante chasse de l'esprit de Chiwa le peu de confiance qu'elle avait réussi à récupérer grâce au discours de Nowaki, pour ne laisser place à nouveau qu'à de la crainte. Sentant toujours les vestiges de la table en bois contre son dos, Chiwa ne peut pas s'écarter du géant qui se tient face à elle.

Il semble perdre patience ... Le sermon de Nowaki se fait de plus en plus pressant, les yeux de Chiwa se perdent de nouveau vers le sol, n'arrivant plus à soutenir le regard de "la bête en colère".

C'est plus facile à dire qu'à faire! ... C'est ce qu'elle aurait voulu rétorquer si la personne en train de la gronder ne faisait pas 2 fois sa propre taille et ne disposait pas d'une telle prestance ...

Alors que le sermon de Nowaki semble se suspendre en plein milieu d'une phrase, la fillette voit le sol s'écarter de plusieurs mètres d'un seul coup, une puissante force l'attrapant au poignet et l’arrachant des sombres et froids pavés de la pièce. Surprise, Chiwa n'a pas le réflexe de retenir la robe qui lui échappe des mains. Elle se retrouve de nouveau nue, propulsée sur le dos de Nowaki alors qu'elle pousse un cri paniqué ...

"Aaaah! Nooon !"

Nowaki semble la retenir pour éviter qu'elle ne tombe, et sort en trombe de la cellule, défonçant une partie du mur et du sol alors que les cris apeurés de la jeune fille accompagnent les déplacements aussi brusques qu'imprévisibles de Nowaki.

Quelques couloirs et portes fracassées plus tard, Nowaki ouvre une lourde porte d'un coup de pied et pénètre dans une salle étrange, à peine essoufflé par la course qu'il viens d'effectuer. Sa voix tonitruante gronde et résonne dans la pièce alors qu'il s'adresse à Chiwa, toujours sur son dos.

"Regardes par toi-même! Regardes et dis moi encore que ça ne sert à rien d'essayer?! Oses redire que tu n'as nulle part où rentrer! Oses seulement trahir le combat qu'il mène pour survivre!"

Reposant Chiwa sur le sol, Nowaki s'agenouille et baisse la tête, tendant à la jeune fille la robe qu'elle avait laissé tomber dans sa cellule à cause de leur départ un peu précipité ... Par réflexe, elle la récupère très rapidement, et se couvre avec.

Debout dans cet étrange endroit, Chiwa reste quelques instants à observer Nowaki, qui garde le visage tourné vers le sol ... Puis, les interrogations de la jeune fille concernant l'endroit où elle se trouve à présent devenant trop importantes dans son esprit, elle se tourne pour contempler le reste de la pièce.

Il y a là une jolie jeune femme aux longs cheveux noirs, qui ne semble pas vraiment prêter attention aux deux nouveaux arrivants ... Mais ce n'est pas vraiment cette femme qui retient l'attention de Chiwa, qui serre encore plus fort contre elle la robe que Nowaki viens de lui rendre ...

Juste là, devant elle, Dae-Ho est allongé dans une cuve remplie d'un liquide translucide et de cristaux émettant une douce lumière ... Sa respiration est lente, il semble dormir profondément ...

Chiwa s'avance lentement vers la cuve, parcourant les quelques mètres qui la sépare de ce qui semble être impossible, serrais-ce un miracle, son frère serrait vivant ?

Arrivée toute proche de la cuve, continuant de tenir sa robe de sa main gauche, elle pose sa main droite sur le rebord de la surface vitrée de l'étrange aquarium, un air stupéfait recouvrant son visage ...

"... Onii ... chan ? ..."

Des larmes perlent de nouveau sur ses joues, et, lâchant sa robe pour apposer la paume de sa deuxième main sur le bord de la paroi de verre de la cuve, elle approche son visage un peu plus près et hausse légèrement le ton de sa voix.

"... Onii-chan ! ..."

Bien sûr, Dae-Ho ne répond pas à l'appel de de Chiwa, il n'est probablement même pas capable de l'entendre. Après quelques secondes, Chiwa serre les dents et le ton de sa voix monte encore d'un cran.

"Onii-chan ! ... Tu ne dois pas mourir à cause de moi ! ... ... Onii-chan !"

Elle se retient tout juste de frapper contre la vitre pour tenter de faire réagir son frère, se disant au dernier moment qu'il ne s'agit probablement pas d'une très bonne idée ... ses yeux se lèvent alors vers la jeune femme aux cheveux noirs.

"Onii-chan ne va pas mourir hein ? ... Sauvez-le ... S'il vous plaît !"

La jeune fille aux longs cheveux d'un noir de jais garda une expression figée, parfaitement neutre, alors que Chiwa s'adressait à elle, sa voix pleine de désespoir et d'espérance mêlée. En apparence du moins.

Tss...Ne me supplies pas... ne m'adresse pas ce genre de regard... je déteste ce genre de regard... comme si je pouvais tout effacer d'un battement de cil. Je ne fais pas de la magie... Franchement Abe-sama, à quoi pensiez-vous en l'amenant ici? Pour vous, c'est un très gros risque... Désobéir ainsi...

Avec un calme parfait, la jeune fille fit le tour de la cuve et vint se placer à côté de Chiwa, retirant sa blouse blanche pour la déposer sur les épaules de Chiwa qui n'avait apparemment plus conscience d'être nue. Cela avait-il pourtant la moindre importance devant la vision de Dae-Ho ainsi plongé dans la cuve?
Après avoir regardée quelques instants sans répondre Chiwa, la jeune fille reporta son attention sur son patient, et indiqua d'un ton monocorde et neutre.

_Ne parles pas trop fort. Ne cries pas. Lui ne t'entends pas. Pas au sens propre du terme. Son subconscient te perçoit par contre. Perçoit ta voix et le ton que tu emploies. Regardes.

D'un signe de la main, elle invita Chiwa à observer ce qu'il se passait dans la cuve. Les cristaux s'étaient mis à pulser en intensité, et les remous qui agitaient très légèrement la surface de l'eau avaient commencé à se faire plus pressant. Des bulles remontaient du fond de la cuve pour exploser à la surface de l'eau. La respiration de Dae-Ho s'était également accélérée.


_Parles lui calmement. Il faut qu'il sente ta présence par bribe. Son subconscient réagit à ton état émotionnel. Tu dois te contrôler et lui faire ressentir une émotion positive, comme du réconfort par exemple. J'ai besoin que son organisme et sa psyché reste calme et posée, ou nous risquons de le perdre. Tu peux le toucher si tu veux, il percevra d'autant mieux ta présence grâce à la chaleur de ta main.

La jeune fille attendit que Chiwa s'exécute et demeura immobile. Aucun sentiment ne transparaissait sur son visage, pas même de l'inquiétude alors qu'elle avait précisé un risque réel de perdre Dae-Ho.
Derrière elle et Chiwa, Nowaki restait imperturbable, toujours agenouillé, observant un silence respectueux, ses yeux rivés sur la scène qui se jouait devant lui.

Le jeune femme ne semble pas répondre à la détresse de Chiwa et se contente de venir près d'elle pour la couvrir de sa blouse blanche. Alors que Chiwa est sur le point de réitérer sa demande, les yeux levés vers la doctoresse, pour lui demander à nouveau si il lui était possible de sauver Dae-Ho, celle-ci prend la parole d'un ton las et monotone...

"Ne parles pas trop fort. Ne cries pas. Lui ne t'entends pas. Pas au sens propre du terme. Son subconscient te perçoit par contre. Perçoit ta voix et le ton que tu emploies. Regardes."

La jeune femme désigne la cuve du doigt, détaillant les cristaux qui semblent désormais briller rapidement en cadence, et la surface de l'eau agitée par une multitude de petites vaguelettes. Elle explique à Chiwa qu'elle va avoir besoin de son aide pour calmer et réconforter l'esprit de son frère ...

"...ou nous risquons de le perdre."

A ces mots, le visage de Chiwa se crispe, elle tourne la tête vers la cuve dont l'eau est toujours agitée, et remarque que la respiration de son frère semble être un peu plus difficile qu'auparavant. L'horrible idée de voir Dae-Ho mourir une deuxième fois sous ses yeux sans pouvoir rien faire se fait tout à coup omniprésente dans ses pensées ...

(Non ... Pas une deuxième fois ... Il faut que ... Je dois...)

"Tu peux le toucher si tu veux, il percevra d'autant mieux ta présence grâce à la chaleur de ta main."

De longues secondes s'égrainent alors que seul le bruit des clapotis de l'eau dans la cuve comble le silence de la pièce. Chiwa reste perdue dans ses pensées quelques instants, contemplant Dae-Ho, dont le torse se soulève et se rabaisse au rythme de sa respiration rapide. Elle finit enfin par se rapprocher d'un pas afin d'être le plus proche possible de la cuve.

Surplombant désormais la surface de l'eau, elle peut apercevoir le visage de Dae-Ho à moitié caché par le masque qu'il porte sur la bouche, et flouté par les remous de la surface de l'eau.

Elle commence à tendre le bras vers le liquide contenu dans la cuve, lorsqu'elle se rend compte qu'elle a toujours des larmes qui perlent sur ses joues. Stoppant son geste, du revers de sa main, elle frotte ses yeux pour tenter d'en effacer tout signe de tristesse apparent, comme si cela pouvait avoir une influence sur la façon dont Dae-Ho allait la percevoir.

Elle tourne la tête pour voir où est Nowaki, et l'aperçoit derrière elle, devant la porte d'entrée de la pièce, toujours un genoux à terre. Il a redressé la tête et a le visage tourné vers la scène.

Portant de nouveau son regard sur Dae-Ho allongé dans la cuve, Chiwa plonge enfin son bras droit dans l'eau tiède du bassin et approche la main du visage de son frère. La paume de la main de Chiwa entre en contact avec la joue de Dae-Ho, et elle se demande d'abord si ce sont ses mains qui sont froides, ou si la température du visage de Dae-Ho ne serrait pas un peu trop élevée ... Passant par réflexe sa main sur le front de son frère, il lui semble effectivement que celui-ci a de la fièvre ...

(Il est brûlant de fièvre ... ... à cause du traitement peut-être ? ... ou bien ... )

Replaçant sa main contre la joue de Dae-Ho, Chiwa repense aux mots de la doctoresse ... même si il ne peut pas l'entendre, il doit pouvoir ressentir l'humeur et les sentiments de sa sœur.

Chiwa inspire et expire profondément ... elle esquisse un léger sourire qui, même si il demeure désespérément triste, semble apaiser un peu l'ambiance tendue de la pièce.

"Onii-chan ... Est-ce que tu m'entends ? ... C'est moi ... C'est Chiwa ..."

Chiwa patiente quelques secondes avant de poursuivre, comme si elle attendait une réponse de la part de Dae-Ho ... ou comme si elle lui laissait le temps de comprendre au mieux ses émotions ...

"... Gomen ne Onii-chan ... Tu es blessé à cause de moi ... Je voulait te protéger ... et c'est toi qui te retrouve dans cet état ... alors ... je suis désolée ..."

Le souvenir de son frère en train de la sermonner quand elle s'excusait lors des entraînements parce qu'elle gagnait contre lui lui revient à l'esprit, et elle laisse échapper un très léger rire de mélancolie ... son sourire, bien que toujours triste, s'étend un peu plus sur son visage ...

"... Je sais que tu n'aime pas ça quand je m'excuse de trop ... mais je vais le dire encore un peu ... Pardon Onii-chan ... Pardon ... Je suis vraiment désolée ..."

Cherchant ses mots, Chiwa laisse quelques secondes passer avant de reprendre la parole ...

"... Ano ne ... Les gens ici ne semblent pas vouloir me faire de mal ... Je vais bien ... et le médecin dit que tu peux t'en sortir ... Alors ..."

Sa phrase reste en suspends ... de nouveau, plusieurs secondes s'écoulent sans que personne ne dise un seul mot ... Ne sachant plus trop comment argumenter, Chiwa se laisse aller à ses émotions, et décide de laisser parler ses sentiments ...

"... Nee Onii-chan ... Tu crois que je peux être un peu égoïste ? ... ... Je sais que ce n'est pas bien de ne penser qu'à moi pourtant ... mais ..."

Alors que Chiwa enlève sa main de la joue de son frère, elle plonge son deuxième bras dans la cuve et serre la main de Dae-Ho entre les siennes ...

"... Ne me laisse pas ... s'il te plait Onii-chan ... Reste avec moi ... Je ne veux pas que tu meurs ... surtout pas à cause d'une de mes erreurs ..."

L'étreinte des mains de Chiwa sur celle de Dae-Ho se resserre un peu, et elle se penche au dessus de la cuve, espérant que ses paroles atteindront son frère.

"... Il faut que tu vive Onii-chan ... Je ne veux pas ... te perdre ... J'ai besoin de toi ... Tu dois vivre ... S'il te plaît ..."

Les mots de Chiwa résonnent discrètement dans la pièce. Dès qu'elle a posé sa main sur le visage de Dae-Ho, la jeune fille ressent comme un tressaut au niveau du corps du garçon. Sa respiration se fait plus profonde tout en même temps qu'elle se calme, et chaque inspiration et expiration se fait de manière plus marquée mais néanmoins plus douce.
Chiwa sent que la conscience de Dae-Ho est "à l'écoute". Elle ne saurait pas expliquer ce ressenti mais c'est un fait.
La pulsation des cristaux se fait plus éparse et paraît accompagner chaque blanc entre ses paroles, s'illuminant longuement comme pour étreindre la jeune fille de leur douce lueur, comme pour la réconforter et l'encourager. Le remous à la surface de l'eau s'est apaisé. Par instant cependant, une ou deux bulles continuent de se former au-dessus du visage de Dae-Ho. A bien y regarder, Chiwa peut remarquer qu'il s'agit de larmes qui se forment au bord des paupières du garçon, se détachent finalement et s'en vont lentement éclater à la surface, formant de petites ondes qui se propagent.

Yuriko, toujours parfaitement immobile aux côtés de Chiwa, observe la scène avec un silence religieux. Bien que ses yeux demeurent fixent, elle ne rate absolument rien du moindre détail qui intervient.

Chiwa s'empare finalement de la main de Dae-Ho et la serre avec une affection redoublée. Au bout de quelques secondes et contre toute attente possible, Chiwa perçoit clairement les doigts de Dae-Ho lui rendre son étreinte. Quelque part en lui, dans les méandres de la conscience, Dae-Ho lui réponds à sa manière.

Chiwa exprime alors une pensée touchante, quoique assez égoiste:

"... Ne me laisse pas ... s'il te plait Onii-chan ... Reste avec moi ..."


Un nouveau remous se propage brièvement dans la cuve et Yuriko semble esquisser un haussement de sourcil, fait remarquable concernant sa personne.

J'ai rêvé ou...

Chiwa reprends sa tendre supplique envers Dae-Ho. Elle a clairement pu remarquer le remous qui vient d'intervenir mais le plus étrange, c'est qu'elle a cru voir les cristaux... bouger. Cela paraît totalement improbable d'imaginer que c'est le cas, et l'émotion de l'instant joue probablement sur ses nerfs et sur sa perception. 


"... Il faut que tu vive Onii-chan ... Je ne veux pas ... te perdre ... J'ai besoin de toi ..."

L'étreinte de la main de Dae-Ho se fait plus forte, presque trop. Quelque part en dehors de la réalité, les paroles de Chiwa se répètent à l'infini.

Besoin de toi...besoin de toi...besoin de toi...besoin de toi...besoin de toi...besoin de toi...besoin de toi...


Lorsque Chiwa prononce ses mots, les yeux de Yuriko s'écarquillent de surprise et de peur mêlée, expressions qui ne ce sont sans doute jamais affichées sur son visage par le passé.
Chiwa sent comme un courant d'énergie remonter dans son bras et la parcourir toute entière. Elle perçoit une présence l'envahir et établir un lien fort et redoutable avec sa propre conscience. Elle voit d'effiler des souvenirs d'elle et de Dae-Ho dans son esprit et comprends que la présence n'est autre que la flamme de vie du garçon qui tente de se lier à sa propre personne.
Avec effroi, Yuriko tourne un regard plein de reproches sur Chiwa,  de nouveaux remous puissants, sourds, se répandant à intervalle régulier dans la cuve. Des bulles explosent à nouveau à tout va sur la surface.

_Qu... espèce de sotte! Qu'est-ce que tu fais? Je t'ai dit du réconfort, pas des pensées aussi égoi...

Yuriko a tendu sa main pour faire lâcher la prise de Chiwa sur la main de son frère, et stopper le contact avec le subconscient de Dae-Ho mais alors qu'elle s'approche du poignet de Chiwa, certains cristaux de la cuve s'allongent en pointe pour frapper son membre. Yuriko recule prestement mais ne peut empêcher ses pics meurtriers de lui lacérer la main, du sang giclant alentour.
Se tenant le poignet de douleur, Yuriko affiche une grimace, commence à lancer un soin de son autre main et s'adresse violemment à Chiwa.

_Lâches le tout de...

Une nouvelle fois elle s’interrompe, ses yeux braqués sur les mains de Chiwa. Le cristal s'est répandu sur les mains et les avant-bras de Chiwa, l'empêchant si elle le souhaitait de se séparer de la main de Dae-Ho.

Tournant sa tête vers Nowaki, Yuriko lui adresse avec plus d'empressement qu'elle n'en a jamais eu:

_Abe-sama, séparez-les, maintenant!

Nowaki réagit promptement et en une enjambée il avait déjà couvert un tier de la distance. Le corps de Dae-Ho se couvrit totalement de cristaux en l'espace d'un bref instant, et d'immense tentacules acérées émergèrent de la cuve, menaçantes, toisant Yuriko dans son dos.

_Yuriko, bouges! hurla le géant.

Pour Yuriko et Chiwa le temps se suspendit. Chiwa croisa le regard de la jeune fille alors qu'elle tournait la tête vers la menace et y lut le saisissement le plus total. Chiwa vit les bras de cristaux as-serrés plonger sur la seule personne qui était peut-être en mesure de sauver Dae-Ho. Elle n'avait aucune chance de les éviter et malgré sa vitesse, Nowaki n'atteindrait jamais les deux jeunes filles avant le coup fatidique. C'était l'horreur la plus totale. Imaginer qu'une simple pensée égoïste est pu conduire à tout ça...

Du sang gicla à nouveau, éclaboussant légèrement le visage de Chiwa. Une main énorme, noire et griffue s'était placée au-dessus de Yuriko. Les pics étaient parvenus à la transpercer mais leurs pointes ne dépassaient pas assez pour atteindre Yuriko dont la peau et les vêtements étaient parsemés de tâches rouges. Nowaki avait allongé son bras de quatre bons mètres pour stopper l'attaque. Il fit un mouvement du poignet pour briser le bout des cristaux acérés.
Yuriko fixa à nouveau Chiwa et s'apprêtait à lui lancer une nouvelle réplique lorsqu'elle contempla l'état de la jeune fille. Chiwa était maintenant couverte sur tous ses bras des cristaux qui poursuivaient leur avancée.
Chiwa continuait physiquement et mentalement d'être envahi par la conscience de Dae-Ho. Elle voyait de nouveaux souvenirs de son père adoptif, d'elle et de Dae-Ho. Son père demandait à Dae-Ho de prendre le plus grand soin de la jeune fille et le garçon répondait à l'affirmative avec un courage sans limite. Puis ils accueillaient Chiwa qui venait de les rejoindre.

Yuriko esquissa un mouvement vers la jeune fille mais aussitôt, de nouvelles tentacules de cristal s'élevèrent. Elle se propulsa sur le côté pour se mettre à l'abri. Peine perdu. Les tentacule s'allongèrent et se dirigèrent droit sur elle. Une seconde fois, impuissante, Chiwa vit l'espoir de son frère se faire assaillir sans pouvoir agir. Quoiqu'elle fasse, la prise du cristal sur elle était absolue et grandissait de seconde en seconde. Plusieurs pointes acérées léchèrent les cheveux de Yuriko en plein recul. Son dos cogna le mur de la pièce avec fracas, la sonnant presque sur le coup, et les tentacules transpercèrent.
Certaines se brisèrent nettes au contact de la surface durcie de l'énorme dos de Nowaki, formant avec son corps un cocon de protection pour Yuriko. Quelque-unes des lames de cristal parvinrent à pénétrer son corps. La "bête" avait grossit de presque deux fois sa taille, si bien qu'il était vouté dans la pièce pour pouvoir s'y tenir. Les vêtements de Nowaki se teintèrent de rouge par endroits.

_Abe-sama...

Yuriko se pencha par-dessus le bras protecteur de Nowaki.


_Gamine! Tu dois le raisonner. Sinon il va fusionner vos consciences! Tu dois lui faire comprendre que c'est lui qui doit revenir vers nous, et non toi qui dois aller là où il est!

Le cristal continuait de se répandre sur le corps de Chiwa, menaçant clairement de l'engouffrait dans une prison éternelle.


_Sa conscience réponds à ta supplique. Elle a pris ce moyen pour te protéger et pour vous rassembler. Tu dois atteindre son coeur! Maintenant!

Nowaki avait tourné la tête vers Chiwa et la regardait par-dessus son épaule. Les yeux du colosse exprimait un étrange sentiment de tristesse et de résolution. Chiwa ne pouvait se tromper sur ce qu'elle vit dans son regard. Si elle ne parvenait pas à agir, Nowaki ne prendrait pas le risque de la perdre. Il pulvériserait purement et simplement les cristaux... avec son frère s'il le fallait!

D'autres tentacules s'étaient élevées de la cuve. Un énorme cocon formait d'une multitude de cristaux emprisonnait désormais Dae-Ho en son sein. La couche cristalline avait déjà prise sur tout le torse et les cuisses de Chiwa, ainsi que sur son cou. Elle poursuivait son ascension sur son visage. L'afflux de chakra se poursuivait dans son organisme. Bientôt, Chiwa perçut les battements de coeur de Dae-Ho et les siens qui se répondaient en écho.
Elle revoyait dans son esprit la promesse qu'un jour Dae-Ho lui avait faite pour la réconforter.

Évidemment! On sera toujours ensemble Chiwa! Je te le promets! Je serais là pour toi, je te protégerais!

La couche cristalline recouvre à présent presque tout le visage de la jeune fille. Ses yeux sont encore libres, pour quelques instants. Chiwa peut apercevoir Nowaki qui brisent les pics l'ayant atteint. Le colosse se retourne et lance un dernier regard vers sa protégée, presque une demande de ne pas le pousser à faire ça. Son énorme bras noir se lève sur le côté.

La vue de Chiwa se brouille sous le cristal. Dans sa conscience, elle entends maintenant la voix de Dae-Ho au loin. Elle ressent la détresse du garçon face à l'incertitude de la situation de sa demi soeur. Elle est envahie par la peur qui le dévore d'imaginer un seul instant la jeune fille disparaître ou être seule et désespérée. Elle note aussi le désespoir et la solitude dans laquelle se trouve actuellement Dae-Ho. Elle peut presque voir la silhouette du garçon dans un océan de néant absolu. Il semble courir et chercher la jeune fille mais des obstacles invisibles lui barrent la route, le bouscule et le font trébucher.

Chiwa... Chiwa... Chiwa... je serais là, toujours! Je te protégerais! Je te protégerais je le jure!!! Toujours, on sera toujours ensemble. Je ne veux pas être seul. Chiwa... moi aussi, j'ai besoin de toi. Chiwa où es-tu? Toi aussi tu avais promis. Je dois te protéger alors je t'en prie Chiwa... où es-tu?...

A l'extérieur de la couche de cristal, dans le bref instant qui sépare la prise de décision de l'action qui en découle, et de toutes les conséquences qu'elle provoquera, Nowaki attends. La force du coeur ou la destruction. Il attends. Chiwa choisira...

Fermant les yeux et sentant la main de son frère lui rendre son étreinte, Chiwa répète son souhait dans sa tête.

(Tu dois vivre ... Onii-chan tu dois vivre !)

Mais un sentiment désagréable parcours soudainement ses bras, comme si ceux-ci venaient de s'engourdir. Un frisson traverse son corps tout entier, et elle a soudainement froid. Chiwa rouvre les yeux pour découvrir que le bassin est agité de nombreux remous. Dae-Ho lui serre fermement la main, et les poignets de la jeune fille se font envahir d'une étrange matière bleue et cristalline.

L'esprit de Chiwa s'embrume, des images défilent devant ses yeux et elle ressent nettement la présence de son frère dans son esprit, comme si ses propres souvenirs se mélangeaient avec les siens.

Un temps indéfinissable passe alors que les souvenirs de son frère valsent dans sa tête ... Chiwa ne comprends pas ce qu'il se produit autour d'elle lorsqu'elle reprend conscience de la réalité. Presque l'intégralité de son corps est recouvert de ces cristaux bleus et froids, Nowaki semble s'être blessé en protégeant Yuriko des horribles tentacules de cristal qui s'agitent depuis la cuve.

"Gamine! ... le raisonner ... il va fusionner vos consciences ... ... c'est lui qui doit revenir ... là où il est!"

Chiwa ne perçoit qu'à moitié ce que Yuriko lui hurle et la réalité s'efface de nouveau de sa vue ... la dernière chose lui apparaissant devant les yeux est l'image de Nowaki se préparant à détruire les cristaux, la cuve, et probablement son frère avec le reste de l'installation ...

Comme dans un rêve, elle semble entendre la voix de Dae-Ho au loin l’appeler et se rapprocher lentement ... Au ton de sa voix, Dae-Ho semble être pris de panique, et cherche désespérément à rejoindre sa sœur. Des cris horribles accompagnant ceux de Dae-Ho résonnent dans l'obscurité, créant une sorte de cacophonie assourdissante ... un vacarme infernal. Chiwa place ses mains sur ses oreilles ...

"Onii-chan ... Arrête ... S'il te plaît ... ... J'ai peur ... "

Le vacarme cesse d'un seul coup, ne laissant place qu'au silence dans lequel une voix s'élève ... celle de Dae-Ho.

"Viens avec moi si tu as peur, je te protégerai !"

Chiwa ouvre brusquement les yeux ... Elle ne saurait pas dire où elle se trouve actuellement ... Au milieu de nulle part, dans un paysage aux couleurs bleutés et pourpres et parsemé d'étoiles, ses pieds reposent sur un sol ferme, malgré le fait qu'elle n'aperçoive en bas que ce même néant coloré. Dae-Ho se tient juste là, une dizaine de mètres devant elle, droit, tendant la main vers Chiwa.

Apercevant son frère bien vivant, un grand sourire apparaît sur le visage de la fillette, qui commence à courir dans sa direction ...

"Onii..."

Mais sa course ne se résume qu'à un pas avant que Chiwa ne s'arrête dans son élan et perde son sourire ...

"...-chan ? ..."

Les couleurs du néant derrière Dae-Ho disparaissent pour ne laisser place qu'à un noir infini. L'atmosphère l'entourant se fait oppressante et glaciale ... alors que le coté où se tient Chiwa est encore lumineux et coloré. Le visage de Dae-Ho affiche un air décidé et sûr-de-lui. Il fait signe à Chiwa d'approcher et écarte les bras, comme si il attendait que sa sœur saute à son cou.

"Je suis là Chiwa. N'ait pas peur, nous allons être ensemble pour toujours."

Chiwa, restée figée dans sa course, observe Dae-Ho se tenant debout devant ce néant et demeure interloquée. Elle le dévisage longuement avant de se redresser, l'air déçue.

"Qu'y a t-il ? ... Approche toi Chiwa, fais confiance à ton frè..."

"...Omae wa dare desu ka?"*

Pour la première fois depuis longtemps, la voix de Chiwa prend un ton menaçant et un air de défi ... Elle a coupé la fin de la phrase de Dae-Ho. La fillette serre les poings, le dévisageant d'un regard de braise.

*ndt
Omae wa dare desu ka? : Qui es-tu?